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293.2 - Un week-end d’études scientifiques et de spéléo au Fond de la souche avec UniLaSalle Beauvais
Olivier Gradot
samedi 7 janvier 2023, par
Vendredi 9 septembre 2022
Il est 18 h lorsque j’arrive au local Usan, Théo et Christophe sont déjà là avec les quatre étudiants de l’université UniLaSalle Beauvais que nous accompagnons durant leur stage relatif à l’étude de l’Aroffe. Pour ce soir leur programme est une visite de la grotte Sainte-Reine dans laquelle ils seront accompagnés par Christophe et Aldric. Au-delà de l’intérêt évident que présente cette cavité pour de futurs géologues et hydrogéologues, cela leur permettra aussi de s’habituer à évoluer dans des boyaux un peu étroits en prévision de leur sortie du lendemain au gouffre du Fond de la souche (FDS). Pour Théo et moi l’objectif du soir et de rejoindre Julien et Marie au FDS dès ce soir afin de finaliser les travaux commencés le dimanche précédent, c’est-à-dire l’installation de la ligne « téléphonique » entre la buse d’entrée et la fin de l’affluent du Claco et d’élargir encore un peu la boîte aux lettres ainsi que l’étroiture d’accès au Claco. Il est 20 h 30 quand nous arrivons sur place en même temps qu’un orage. Nous nous équipons et rentrons sous terre. Julien et Marie partent dans l’affluent pour fixer la ligne et Théo et moi commençons par élargir l’étroiture à la base du P9. Ce sera l’affaire de deux « maxi-pailles 14 mm x 600 » qu’il avait fabriquées en 2020, mais qui n’avaient encore jamais servi avant le test réalisé dimanche dernier. Bilan : elles sont plutôt efficaces ! À présent on passe très facilement. Nous remontons ensuite aller aménager la boîte aux lettres à coup de massette et burin ; nous l’avions déjà élargi lors d’une précédente séance mais ça ne sera que mieux ainsi. Vers 22 h 45 Marie et Julien nous rejoignent et nous ressortons, nous partageons l’apéro et dînons. Marie rentrera sur Lunéville en moto, Julien rentrera chez lui à Colombey-les-Belles (bref, pas très loin) et, avec Théo, nous allons nous poser dans la roulotte pour être directement sur place pour le lendemain.
Samedi 10 septembre
On se réveille vers 8 h, on se fait un café qui sera accompagné du gâteau que Bernard nous apporte. Petit à petit le reste de la troupe arrive : Bertrand qui nous ramène la balise Arcana-B qui, on l’espère, va bien servir aujourd’hui, Benoît Losson (USBL spéléo, et surtout karstologue !), Julien, Christophe, Élise Chenot (géologue, professeure à UniLaSalle Beauvais avec qui nous avons monté le projet) et les quatre étudiants : Nina, Jade, Arnaud et Baptiste. Pour bien commencer, Arnaud a oublié ses bottes, ceci engendrera un petit retard dans le départ sous terre, mais on fera avec. Théo est parti en avance sous terre pour finaliser la connexion du câble « téléphonique » dans la zone des puits. Le temps que tout le monde se prépare je brieffe les étudiants sur les passages « techniques » qu’ils vont rencontrer, vérifie leur matériel et après un casse-croûte nous nous lançons vers l’entrée. La descente, comme cela était prévisible prendra un temps certain, c’est leur première fois sous terre en baudard et le Fond de la souche, même maintenant élargi, n’est pas à proprement parlé une cavité facile. Je remonterai le P9 pour aider Jade qui fait une petite crise d’angoisse en se coinçant dans le passage un peu scabreux menant à la tête du P9. Au final plus de peur que de mal, et après quelques râles, l’ensemble de la troupe est dans le Claco… Euh ! L’ensemble ? Non pas tout à fait… Il manque Élise et Benoît qui apparemment sont fascinés par la roche et tardent à nous rejoindre. Après presque une demi-heure pendant laquelle les étudiants cueillent des « étoiles de Sion » (i.e. des pentacrines fossiles ; voir : Cuxac P. (2000) - « Les crinoïdes », Le P’tit Usania n° 28, Usan, Nancy, p. 3) nous décidons de rejoindre la galerie principale. Là encore la progression du groupe est assez lente, mais c’est normal, au bout de 45 minutes nous y arrivons enfin et c’est avec plaisir que nous pouvons nous relever. Benoît et Élise nous rejoignent rapidement, cette dernière n’a pas vu le shunt de la voûte mouillante et a donc suivi le fil « téléphonique » et arrive totalement trempée. Bon, au moins elle pourra dire « j’ai fait ma première voûte mouillante ». Étape n° 1 : tester la ligne « téléphonique » avec laquelle nous allons devoir nous coordonner avec l’équipe de surface… Ça commence mal : quand Théo sort le généphone nous constatons que les fils électriques qui en sortent ont été sectionnés… Seuls deux sur les trois sont accessibles… C’est un peu la loose ça… Heureusement après un petit bricolage nous constatons que tout est OK lorsque nous entendrons la voix de Christophe dans le combiné. Nous lui disons que nous allons placer l’émetteur de la balise Arcana-B au niveau du passage dichotomique en direction du siphon 79 et que nous le rappellerons lorsque cela sera fait. Pendant ce temps les étudiants, même si un peu refroidis par les puits et le Claco, profitent de la beauté des lieux et des nombreuses curiosités que l’on peut voir au FDS : les nuées de Cæcosphæromas (dont je fais d’ailleurs un prélèvement fixé à l’éthanol à destination de Bernard Hamon, notre expert biospéologue régional), la couche bleutée si particulière que l’on voit en surface de la roche constituant les plafonds (je ne souviens pas avoir vu une telle chose ailleurs qu’ici), les belles galeries en forme d’œil, les nombreux fossiles de coraux, etc.
La balise Arcana est rapidement installée et activée. Sur l’aller Julien et moi avons remarqué qu’une cheminée érodée par une petite amenée d’eau est présente dans la deuxième diaclase du réseau 79, à vue d’œil elle monte d’au moins 12 m. Quand Théo revient du passage dichotomique je lui montre et il trouve autant que nous la chose intéressante. D’après mon plaquage de la topo sur la carte IGN et la vue satellite nous sommes dans la pente du bois, mais avec la hauteur de la diaclase c’est potentiellement une zone intéressante. Quand j’appelle Christophe, Bertrand et Bernard en ont déjà capté le signal et sont à la recherche de la position de la balise. Le temps que ça se fasse, Théo retourne avec Julien voir la cheminée et commence une escalade que Julien lui fera stopper faute de matériel pour l’assurer. Christophe me rappelle pour me prévenir que la balise a été correctement positionnée et que la profondeur de l’émetteur par rapport à la surface est donnée à 25 m. Autre bonne surprise : la position « estimée » par rapport au plaquage de la topographie sur vue satellite correspond à la réalité.
Je lui explique où se trouve la cheminée qui nous intéresse sur la topo, et lui indique que nous souhaitons y placer la balise pour un nouveau relèvement. Là encore le signal passe bien et l’équipe de surface nous prévient lorsque toutes les mesures sont faites.
L’heure tourne, il est 17 h 30, et parmi l’équipe UniLaSalle le froid commence à se faire sentir. Nous leur disons de commencer le chemin retour et tentons une dernière position pour la balise : la jonction entre le Claco et la galerie principale, d’après mes estimations nous sommes à environ 50 m de la surface et même si les modèles actuels de balise Arcana sont faits pour traverser 150 m, le nôtre arrive à ses limites… Nous patientons une bonne demi-heure durant laquelle je profite du « téléphone » pour commander des packs de bières à l’équipe de surface (luxe !), au final c’est top : malgré un signal bien faible et les difficultés liées au terrain l’équipe a pu localiser la balise et encore une fois la profondeur colle avec les prédictions. Nous rejoignons les étudiants à la base du P9 et c’est parti pour la remontée qui, encore une fois, en fera suer quelques-un(e)s. À la suite d’un tas de nœuds « mi-humain, mi-bloqueur, mi-corde emmêlée » je finis par décider de couper la corde qui coince Jade en haut du puits et raboute avec un nœud et un mousqueton. « Il est temps pour moi de ressortir dehors », lis-je dans ses yeux. Heureusement le plus dur est fait et rapidement nous ressortons. L’équipe de surface nous accueille avec un buffet « Leffe blonde, Leffe Ruby, thé chaud, gâteau et Pringles » ! Ça, c’est bien joué ! Nous trinquons tous à cette belle journée et échangeons sur les résultats plutôt encourageants de nos essais du jour. Certains proposent d’aller voir la localisation des balises en surface, mais la nuit tombe, nous ferons ça demain et retournons au « camp de base » pour nous changer (de mémoire Bernard n’a jamais vu autant de voitures garées autour du FDS ! Un vrai congrès spéléo !). Une fois tous en habits secs nous prenons l’apéro ensemble, l’équipe ULS semble contente de sa journée, mais semble aussi bien éreintée, pas sûr qu’on aille avec vous sous terre demain nous disent-ils. Petit à petit les gens retournent vers leur douche chaude et leurs lits… Tous ? Non… Restent un Rat, un Lynx et un Renard qui finiront le pack de Leffe blonde assis autour d’un feu. Les bestiaux se coucheront à 2 h du matin passées…
Dimanche 11 septembre
8 h : C’est Bernard et une brioche qui réveillent le Rat et le Lynx (le Renard s’est enfui en toute sobriété vers chez lui en fin de soirée…). Nous petit-déjeunons tranquillement avec lui le temps que les autres arrivent (ce qui prendra plus de temps que prévu), dont Éric Pery (CTDS 88) puisque, bien que très proches de la « frontière », nous sommes bel et bien sur le département des Vosges. Au final il sera 11 h passées quand enfin l’équipe au complet ira voir les trois points localisés la veille afin d’en enregistrer les coordonnées GPS précises. Ceci nous prendra une bonne heure et demie, le point à la verticale de la diaclase « ARC4 » nous intéresse beaucoup, à l’extérieur du champ, mais proche de l’orée du bois et assez bas dans la pente, il constituerait potentiellement une entrée optimale pour arriver facilement dans la galerie principale du réseau ce qui permettrait des plongées facilitées et, bien sûr, des observations même en période de mise en charge. Bon, il y a 16 m de roche à passer, mais nous nous imaginons trouver des moyens, rien n’est impossible paraît-il.
De retour au « camp de base » nous casse-croûtons (merci Tof’ pour les excellents pâtés de Colombey !). Les étudiants et Élise ne sont pas spécialement chauds pour retourner sous terre aujourd’hui, ils nous mandatent pour réaliser quelques prélèvements d’eau et de roche en nous indiquant où les faire. Pendant que nous serons sous terre ces derniers iront faire des mesures en surface en prévision de la prochaine campagne de réalisation de profils 2D de résistivité des sols qu’ils feront dans une dizaine de jour quand Pascale Lutz sera là. Du côté des spéléos, Théo, Julien et moi sommes chauds, Thomas qui nous a rejoints ce matin aussi, Christophe, Bubu et Éric Pery sont de même motivés pour aller voir le Fond de la souche où ils ne sont pas encore allés.
Bubu déjà équipé part en premier s’essayer dans un aller-retour entre la buse d’entrée et la base des puits, Christophe et Éric suivent. Théo finalise son paquetage escalade (Pulses, perfo, corde statique tonchée) et nous rejoignons la buse. Tout le monde a pu passer la boîte aux lettres facilement, mais pour Éric et Christophe l’étroiture en tête du P9 devra être élargie. Nous ferons ça prochainement, c’est vrai qu’elle reste trop sélective et peut être rendue moins pénible moyennant quelques menus travaux d’élargissement.
Théo, Julien, Thomas et moi enquillons l’affluent du Claco, nous y serons rejoints par Bubu tout souriant et heureux d’enfin découvrir le réseau. Nous rejoignons tous la base de la diaclase « ARC4 », Théo commence l’escalade et Thomas l’assure. Julien, Bubu et moi faisons quelques photos dans le secteur afin d’attendre le résultat de l’escalade. Une fois Théo en haut (la bête escalade vite) il nous dit que l’eau provient d’une fissure impénétrable dont il voit la continuité sur environ 2 m. C’est toujours une bonne nouvelle car si un jour un accès depuis la surface dans cette zone est envisagé il vaut mieux attaquer de la roche fissurée que de la roche saine.
Le temps que Théo et Thomas finalisent les travaux dans cette zone, Bubu, Julien et moi prenons le chemin du S71. Bubu fera une partie du réseau 71 avant de revenir vers le Claco et Julien et moi poursuivrons jusqu’au siphon. Des observations faites nous nous accordons pour dire que lorsque le réseau est en charge l’eau s’en évacue notamment par le S71, ceci peut laisser penser qu’au moins une partie du réseau à découvrir se dirige vers la zone de la source du Puju des Vaux qui est à une altitude similaire à celle de l’entrée du Fond de la souche (environ 300 m). Nous faisons quelques photos du réseau 71, croisons Théo et Thomas qui vont aussi voir le siphon puis nous nous dirigeons vers la sortie où nous retrouvons Bubu et Bernard.
Nous nous changeons, partageons une bière bien méritée puis nous nous séparons. Théo et moi passons au local y déposer le matériel qui sera lavé un autre jour. Ce fût un week-end efficace. À bientôt Aroffe, nous avons hâte d’en apprendre plus sur toi !
Les photos sur : https://www.flickr.com/photos/olivier_gradot/albums/72177720302028796