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147.1 - Le Caladaïre
Philippe Lach
jeudi 11 novembre 2010
Un jour, 2 jeunes spéléologues, décidèrent de descendre au fond du Caladaïre. L’entreprise étant de grande envergure, les préparatifs furent minutieux. D’abord, l’emploi du temps. « Samedi et dimanche nous visiterons quelques grottes du Doubs avec ma famille » annonça Filip. « C’est d’accord » répondit David, puis ajouta « ensuite nous irons au lac des chambres à Samoëns pour nous dégourdir les jambes avant de descendre dans le Caladaïre ». « C’est d’accord » répondit Filip.
C’est donc par une belle matinée d’été que nos 2 jeunes spéléo, accompagnés d’une dizaine d’initiés, se rendirent dans le département du Doubs pour une sortie initiation. Les 10 initiés (André, Joseph, Marie, George, Natacha, Franck, Victoria, Alexandra, Jahnny et Luna) étaient totalement novices. Pour cette occasion, Dominique et Jérôme, de l’USAN, étaient de la partie. La journée commença par un pique-nique au bord de la grotte de Gonsans (pour remplir les ventres et détendre les esprits). La visite de ce trou fut un franc succès ! Contrairement aux rumeurs (celui-ci ne descendra pas, untel a peur du noir, l’autre redoute ceci…) tout le monde, je dis bien TOUT LE MONDE, est descendu, et ce malgré les difficultés à franchir les premiers mètres de l’entrée ô combien glissants et périlleux ! Tous furent ravis (enfin je crois) de découvrir la cavité. Les concrétions, les formes de dissolution, etc. Après quelques clichés pour immortaliser l’instant, l’équipe ressortit au grand complet. Le reste de la journée fut consacré à la visite des quelques formations de surface telles que le porche de la Sarrazine et la résurgence de la source du Lison à Nans-sous-Sainte-Anne. Chacun trouva un peu de sommeil, après un somptueux banquet (un peu, car quelques hurlements d’ours firent trembler les murs. paraît-il). Le lendemain la grotte choisie était d’un autre niveau, et sélectionna au fur et à mesure, les plus téméraires. Trois n’entrèrent même pas, 2 s’arrêtèrent au premier ressaut, quant à la petite Luna (âgée de ?) elle reviendra un jour c’est sur. Alex, Jahnny, Franck et Victoria touchèrent le fond. Puis victoria et Franck s’offrirent même le luxe d’une petite descente en rappel d’une trentaine de mètres !!!
Pour l’organisateur, ce week-end fut une franche réussite, tous touchèrent du doigt le monde souterrain, et ses difficultés ! (certains semblaient même prêts à réitérer !!! objectif atteint.)
Comment à leur habitude, Filip et David reprirent le chemin de la liberté… à 2. Direction
Sur leur chemin vers le Vaucluse, ils croisèrent (plus ou moins volontairement) une via ferrata perchée sur un bout de rocher. En 2 mouvements ils atteignirent le sommet. Mais quelle surprise les attendait ! Des nains siégeaient entre les dalles de pierres, protégeant ce lieu des esprits malfaisants. Ne voulant de mal à personne, les nains laissèrent gentiment passer les 2 spéléos. « Finalement ils ne sont pas si méchants ! » se dirent-ils. À la fin de la journée, ils finirent la route et établirent leur camp au sommet de leur objectif : le Caladaïre.
Alors qu’ils se préparaient pour l’entrée, David et Filip rencontrèrent Nounours et ces 3 oursons. Nounours était un sherpa bleu dépourvu de bras et de jambes, contenant
Le Caladaïre n’est pas une grotte, c’est une porte ouverte sur un nouveau monde. Un monde sombre, étrange. Sa grandeur effraie, mais sa beauté rassure. L’entrée reste très sommaire, juste une diaclase, ouverte sur quelques mètres en surface, dans un maquis où aucun humain ne passe, comme s’il ne voulait pas être trop dérangé ou seulement par les plus avertis. Rien de terrifiant lorsqu’on ignore ce qui s’y cache. C’est Filip qui commença l’équipement. Au pied du premier puits de
Ils s’engagèrent donc dans le méandre. L’avancée fut pénible, des escalades et désescalades toutes plus techniques les unes que les autres s’enchaînaient. Face au puits Sans-nom le moral se perdit. Extrêmement glissant et très mal équipé, David avait du mal à se concentrer et à réaliser son travail. C’est avachi sur la roche comme un vulgaire morceau d’argile qu’il réussit à équiper le puits. La nature les testait-elle ? Voulait-elle savoir s’ils méritaient de continuer ? En tous cas, ils étaient tous 2 déterminés à ne rien lâcher. Au pied du puits Sans-nom s’ouvrait le puits Noir. Comme une pause offerte par le gouffre, il était extrêmement facile à équiper et d’une incroyable beauté. Des rognons de silex de taille variée ressortaient des parois du puits, parfois de plusieurs dizaines de centimètres, comme s’ils se lançaient un défi entre eux, à celui qui tiendra le plus longtemps !
Quelques ressauts plus bas, nos 2 spéléos décidèrent de faire une pause. Le moral faible, la fatigue grandissante, une soupe chaude et un café leur permirent d’oublier tous les soucis, quant au temps déjà passé sous terre... Dans la salle où ils s’étaient arrêtés, un grondement de tonnerre se faisait entendre. Le puits était en crue, « peut-être que nous ne pourrons pas passer ? » dit Filip d’une voix rauque. Mais qu’importe, un croisement de regards leur suffisait pour se comprendre : « on avance… et puis c’est tout ». Ils s’engagèrent dans le méandre qui les mena au balcon du P11. Ici, pas d’équipement, les 2 spits prévus n’existaient pas. David commençait à s’exciter lorsque Filip lui fit reprendre ses esprits, « non David tu ne descends pas à l’arrache en t’amarrant sur un A.N., on a des spits, on s’en sert ». Puis il ajouta « on va faire comme chez nous et on va placer notre propre équipement ». David accepta et prit le temps de planter 2 spits puis descendit le puits. L’eau descendait du ciel, impossible de distinguer clairement d’où, le plafond était beaucoup trop haut. « Finalement, la cascade n’est pas si terrible » dit David. En effet, la cascade était encaissée au fond de la salle, laissant le pied du P11 plutôt sec.
Après une dernière étroiture, ils arrivèrent au sommet du puits de l’Amitié (puits de
Le franchissement des quelques puits et de la galerie d’argile pour arriver au bivouac fut la plus terrible des épreuves qu’ils vécurent. La fatigue avait totalement englouti leurs corps et leurs esprits. Ils n’étaient plus de ce monde, ni d’aucun autre d’ailleurs. Ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Ils avançaient mécaniquement, les yeux se fermaient à chaque minute de repos. Les mouvements étaient à leurs ralentis le plus bas. Tous glissaient, tout était instable, leurs jambes tremblantes les portaient à peine. Combien de temps pour remonter cette partie ? Ils réussirent malgré tout à trainer leur carcasse jusqu’au bivouac. Ici, même pas la peine de poser la question, les 2 corps s’effondrèrent nets. Ils prirent alors le temps pour tout. Réactivation des lumières qui s’étaient arrêtés. Heureusement un bon repas les attendait, au menu salade de pâtes, saucisson, fromages variés, chocolat, soupe chaude, café, bref le luxe !!! Le gouffre leur avait retiré des forces lors de cette remontée mais il en fallait beaucoup plus pour abattre nos 2 aventuriers. Une fois régénérés, ils rentamèrent la montée. Le moral à bloc car ce qui les attendait désormais, ils l’avaient déjà vécu, et plus rien ne pouvait les effrayer. La partie était gagnée, bien que leurs corps fussent à -300, leurs esprits étaient déjà sortis !
Les puits s’enchainèrent à la vitesse de l’éclair. Ils abordèrent la diaclase à cran avec sérénité, se passant la famille Nounours par étape. En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, ils étaient au pied du P90. Le P90 restait une épreuve encore incertaine ; ils prirent le temps de manger et boire, et surtout de réfléchir à la manière dont ils allaient remonter le matériel.
Le temps reprit d’un coup. Il était 4 h du matin, une ride de 44 heures s’inscrit sur chacun des 2 visages. C’était le temps qu’ils y avaient passé. En surface, tout a un temps, le ciel s’éveille, les étoiles s’éteignent, l’herbe grandit puis fane. Dans le monde qu’ils avaient traversé, rien de tout ça. Les 2 aventuriers le savaient déjà ; sous terre ils y étaient depuis toujours, et y resterons toujours. Vers 5 h ils entamèrent la visite d’un nouveau trou, aussi grand, aussi puissant, aussi enivrant, le gouffre de leurs rêves… Les rayons du soleil les ramenèrent en surface vers 9 h. S’éveillant comme des fleurs, ils déjeunèrent, remontèrent Nounours et sa famille puis levèrent le camp. Le Caladaïre allait rester là, seul, anonyme aux yeux de tous, mais présent dans l’esprit de 2 jeunes fous. Ils voulaient voir le puits de l’Amitié, mais le vrai puits d’amitié c’est au fond de chacun d’eux qu’il s’ouvrait.
Leur périple se finit comme à l’habitude, au local spéléo, se remémorant les difficultés techniques et physiques rencontrées, les joies, les peurs, les envies, les regrets, l’amitié… depuis ce jour, ils vécurent heureux et lovèrent beaucoup de cordes !!!