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175.5 - Niphargus virei (Chevreux, 1896) et lignées cryptiques

Bernard HAMON

samedi 9 mars 2013

(extrait de Scories n° 401 juin–juillet 2012 ; manuscrit publié par l’auteur pour la commission Biospéologie de la CPEPESC Lorraine)

En 2003, le professeur J.-P. Henry de l’université de Dijon, nous avait contacté pour nous signaler que le professeur B. Sket, spécialiste slovène en biologie souterraine et en Niphargidés, recherchait des spécimens de crustacés stygobies (N.D.L.R. : stygobie signifie troglobie aquatique) – Niphargus virei et Cæcosphæroma burgundum, entre autres – pour engager une étude génétique (étude d’A.D.N. et recherche d’une éventuelle diversité cryptique). On se rappellera les travaux menés sur la question par T. Lefébure de l’université de Lyon I dont nous nous étions fait l’écho (cf. S.S.B. n° 335 de décembre 2007).

Quasiment tous les sites mosellans accueillant Niphargus virei étant inaccessibles, nous avons fait parvenir au professeur Henry, courant 2004, le reliquat des spécimens que nous avions collectés dans la mine désaffectée du Fonds de Lanoue d’Ars-sur-Moselle (57), le 17 novembre 2001 avec Y. Gérard (station n° 57016). Cette station avait été découverte le 24 juillet 1982 par B. Hamon et D. Morin : le professeur R. Ginet avait identifié Niphargus virei (in litt. du 9 août 1982). En grande partie effondrée, cette mine a été depuis fermée pour des raisons de sécurité.

Le matériel a été transmis à M. Sket et à son équipe pour constituer le fonds de 134 spécimens de Niphargus virei sur lequel ils menèrent leurs recherches que sur cinq autres espèces de stygobiontes. Les résultats officiels ont été rendus publics en 2009 par l’équipe constituée de P. Trontelj, C.-J. Douady, C. Fiser, J. Gibert, S. Goricki, T. Lefévure, B. Sket et V. Zaksek. Nous venons de prendre connaissance de ces travaux.

Les nouvelles recherches sur Niphargus virei, ont confirmé les conclusions que T. Lefébure (2005) avait avancées sur la répartition philogéographique de l’espèce, à savoir :

· la « lignée Benelux » (C), avec une répartition sur une centaine de kilomètres, au nord (grand bassin versant de la Meuse et aire de répartition la plus septentrionale de l’espèce) ;

· la « lignée du Jura français » (B), avec une répartition de 180 kilomètres environ ;

· la « lignée Nord-Sud » (A), à laquelle appartiennent les Niphargus virei d’Ars-sur-Moselle (57) et qui s’étend depuis cette station jusqu’au sud de l’Ardèche sur une longueur de près de 700 kilomètres.

La mise en évidence au sein des populations de Niphargus virei de l’existence d’une diversité cryptique est ainsi vérifiée même s’il faut la considérer comme provisoire, au moins au niveau de la répartition géographique des lignées. En effet, si l’on considère la seule Lorraine, nous ignorons à quelle lignée il convient de rattacher les Niphargus virei découverts au Pays-Haut (secteur de Briey à Longwy) ou ceux vivant dans les karsts occidentaux de la Meuse (lignée A ou C ?). Pourrait-il, le cas échéant, s’agir d’une autre lignée ? De même, le choix d’autres marqueurs moléculaires que ceux retenus dans les présents protocoles pourraient révéler, sur le sujet, une complexité accrue.

Il faut noter que les différences de lignées ne se traduisent pas par la découverte de nouveaux taxons : nous sommes bien en présence d’une seule et unique espèce, Niphargus virei. En l’occurrence, ces travaux confirment s’il en était besoin, la grande rigueur des taxonomistes qui ont bien reconnu et identifié ladite espèce au cours des décennies passées. Mieux, ils ont pressenti l’existence de ces lignées. C’est ainsi que dès 1969 au colloque de Vérone, J. Gibert faisait remarquer que les « Niphargus virei du Jura et de l’Ardèche avaient une allure différente, bien qu’ils soient rattachés au même taxon, pour le moment » dans une note relative aux « essais d’application de la taxonomie moléculaire au Genre Niphargus ».

Il n’y a pas, au niveau des spécimens étudiés, de variations morphologiques majeures, à l’exception pour certains individus de la taille du corps, des gnathopodes et des antennes, qui peuvent, au cas par cas, être plus grands que le standard moyen de l’espèce telle qu’elle a été décrite.

Le genre d’observation existe pour d’autres taxons comme Niphargus fontanus, pour lequel des spécialistes ont remarqué que des individus prélevés dans des milieux poreux et intersticiels étaient plus petits que ceux collectés dans des habitats fracturés.

Pistes de lecture :

· Trontelj P., Douady C.-J., Fiser C., Gibert J., Goricki S., Lefébure T., Sket B. et Zaksek V. (2009) - A molecular test for cryptic diversity in ground water : how large are the ranges of macro-stygobionts ? Freshwater Biology Vol. 54, avril 2009, p.727–744

· S.S.B. n° 234 (février 2002), 263 (mai 2003) et 335 (décembre 2007)

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