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273.1 - Un bivouac à la Baume des Crêtes

Olivier GRADOT

dimanche 9 mai 2021

Olivier Gradot (photos : https://www.flickr.com/gp/olivier_gradot/9m2qpH)

Samedi 16 janvier 2021. Comme les bivouacs souterrains sont à la mode ces derniers temps, j’avais, quelques jours auparavant, demandé ses dispos au lynx pour savoir s’il était chaud pour se faire une sortie du genre ce week-end. L’idée le motive (comme très souvent). Prenant en compte les contraintes sanitaires nous ne pourrons pas aller bien loin et limiterons le groupe à 6 personnes. Nous choisissons d’aller à la Baume des Crêtes et de remonter, s’il est praticable, le collecteur jusqu’au siphon menant vers le gouffre de Jérusalem (ce qui est certainement une des plus belles parties du Verneau). Les réservations se bouclent rapidement ; seront donc de la partie en plus de Théo et moi : Benoît B., Maud R., Thomas B. (Usan) et Nicolas G. (ASHM, Saint-Dizier, 52)

Le samedi matin, Maud et Benoît passent me chercher à 6 h 30 et nous nous dirigeons vers le local où nous retrouvons les autres. Nous essayons les tenues néoprène, Théo va prendre l’équipement nécessaire, nous enkitons le matériel de bivouac et faisons le point sur les vivres pour ne pas apporter de trop. Une fois tout vérifié nous partons vers le Doubs avec le 4´4 de Benoît et la camionnette de Thomas. Étonnamment, une fois passées les Vosges la neige n’est quasi plus présente. Quand nous passons au-dessus du Doubs nous voyons que son débit et son niveau sont bien hauts. Je consulte du coup le débit du Verneau sur internet : nous sommes en décrue, il y a deux jours il y a eu un pic à 16 m3/s et là nous en sommes à 1 m3/s. Il y aura un peu d’eau, c’est sûr, et nous aurons certainement la piscine en bas du puits amenant au collecteur comme en 2019, car cette zone met toujours du temps à décanter. Nous arrivons sur les hauteurs de Déservillers aux alentours des 11 h 30, pas beaucoup de neige et un petit ‑10 °C. On se change, Maud resplendit de mille feux avec sa toute nouvelle combi verte Cévennes Évasion (private joke : « Ooooh la beeelle combi veeerte !!! » Maud comprendra l’allusion) et on se réchauffe les mains sous les aisselles car ça picote un peu. Nicolas se rend compte qu’il a oublié son sac de couchage ! « La nuit va être fun » rigolons-nous , mais Thomas peut lui dépanner un sac de couchage été et il y a un hamac et une couverture de survie épaisse qui devraient lui permettre de passer une nuit correcte.

Ensuite c’est direction l’entrée du gouffre avec option chute sur plaque de glace pour le lynx. Une fois au gouffre Théo me demande si je veux équiper, mais vue la température je lui dis que chaque minute de gagnée pour rejoindre la chaleur souterraine est bonne à prendre et il part donc équiper la vire menant au P40 d’entrée. Nous nous dépêchons tous de le descendre et sommes bien contents de gagner une bonne vingtaine de degrés en quelques minutes. Thomas découvrira les plaisirs de la descente à l’horizontale ayant oublié d’enlever un kit chargé de ses épaules avant de descendre .

Nous descendons la première salle qui est toujours aussi belle et déposons nos affaires de bivouac à la salle du Réveillon puis cassons la croûte avant de reprendre notre chemin. Comme c’est l’hiver nous n’irons pas voir la salle des Suisses pour ne pas déranger les chauves-souris. Nous passons la trémie puis le R5, prenons le toboggan qui mène à la salle des Dolois, passons le boyau Boum et descendons le P15 menant à la salle du Carrefour. La cascade y crache bien, il y aura de l’eau dans la galerie des Chinois, ça va être chouette. C’est ici que nous nous changeons en tenue néoprène, enfin, pas tous… Moi j’ai opté pour la souplesse d’une 3 mm, Thomas, Nico, Benoît et Maud prennent grand plaisir à enfiler les deux pièces 5 mm du club (qui permettent une liberté de mouvement inégalée ). D’ailleurs ils aiment tellement ça qu’ils vont les enfiler plusieurs fois (eh oui, il y a un sens pour mettre les combis !). Théo qui ne sait plus quoi faire pour épater la galerie se contentera d’un débardeur néoprène ultra fin (je précise qu’il avait déjà commencé à se faire mousser en n’ayant rapporté, pour bivouaquer, que son hamac chauffé à la bougie dans lequel il comptait dormir en sous-combi mouillée… juste pour tester… parfois je me demande sérieusement si ce type n’a pas un penchant refoulé pour le masochisme).

Une fois tous équipés nous partons vers la galerie des Chinois. Dès le premier ressaut la présence de l’eau apporte son côté magique à la progression, nous parcourons la galerie en nous amusant dans les passages bien mouillants (que Théo qui n’est pas non plus complètement masochiste shunte par le haut), nous passons la trémie, continuons jusqu’à la petite cascade concrétionnée que nous équipons pour en éviter le courant à la remontée et nous arrivons au puits donnant sur le collecteur. Comme nous nous y attendions c’est la piscine de 3 m de fond là en bas, Théo installe la corde et je descends en premier pour aller voir ce que dit le niveau, la cascade toute proche crache bien, il y a de l’ambiance. On voit encore de la mousse de crue accrochée sur les parois 4 m au-dessus du niveau de l’eau, ça devait donner il y a deux jours ! Les autres viennent me rejoindre sur la petite margelle sur laquelle je suis assis les pieds dans l’eau. Benoît teste la nage en eau vive et se rend vite compte qu’utiliser un bidon vide comme bouée n’est pas une mauvaise idée. Certains préfèrent remettre le collecteur à une période plus sèche et après concertation nous décidons de ne pas nous séparer pour pouvoir profiter ensemble de la soirée bivouac. La troupe remonte et entame le chemin du retour, reste Théo et moi pour fermer la marche. « Tu veux déséquiper ? » me demande-t-il, je le regarde d’un air étonné qui veut dire « qu’est ce qui te fait croire que j’ai envie de me trimballer le kit de corde ? ». « Non merci, c’est très gentil de m’avoir proposé, mais tu as encore besoin de t’entraîner alors je te laisse faire » répondis-je.

Nous profitons du retour pour faire quelques photos souvenirs et discutons en rigolant. Nous rejoignons la troupe à la salle du Carrefour. Certains (dont Benoît et moi) hésitent à rester en néoprène jusqu’au bivouac, mais Théo nous conseille vivement de nous changer ici pour ne pas mourir de chaud. Comme la règle n° 1 est : « Théo a toujours raison » et que la règle n° 2 est « Théo a toujours raison » nous prenons le temps d’enlever nos peaux de grenouille avant de continuer. Il est 22 h quand nous arrivons au bivouac, nous déposons nos affaires mouillées et nous nous réunissons autour des pierres qui sont disposées ici afin de servir de table et de chaises. Mes pieds sont contents de quitter les chaussons néoprène pour des chaussettes sèches. Seul hic : je n’ai pas eu la bonne idée de prendre une paire de claquettes comme certains (à noter dans la liste des choses à prendre en bivouac post-spéléo aquatique). Pas grave une couverture de survie fera l’affaire (j’ai imaginé me fabriquer une paire de claquette avec un peu de carton et un bout de ficelle, mais la flemme aura eu raison de mon côté inventif). Pour me réchauffer et me sécher la sous-combi j’enfile mon dernier investissement : la chasuble MTDE que j’avais mis longtemps à acheter, car le prix me rebutait un peu… Bon, ce n’est pas donné, mais il faut avouer que c’est plutôt bien fait. À peine ai-je allumé la bougie à mèche large (que le lynx m’avait offerte il y a quelque temps) que je suis plongé dans un cocon de chaleur. Au passage j’en profite pour faire la pub pour les bougies de secours faites maison : non seulement elles sont quasi gratuites à faire et si elles sont bien conçues elles réchauffent bien mieux que celles qu’on peut acheter (je tairai le nom de la marque de la fameuse bougie trois mèches hors de prix, beaucoup sauront de quoi je parle). C’est l’heure de prendre l’apéro, nous savourons les bières que Benoît et Maud nous ont rapportées (cadeau de Noël de Benoît) et elles sont savoureuses ! Nous partageons saucissons, plateau de fromage des Frères Marchand (le fromage Hercule sera celui qui aura le plus de succès), cacahuètes. Maud nous fait goutter son excellent tartare d’algues (non elle ne les a pas péchées dans le canal de la Marne au Rhin ! Ni dans la Moselle, d’ailleurs !). Nous nous fendons la poire en racontant des conneries et continuons sur la mauvaise lancée du jour à savoir chanter des chansons idiotes qui restent en tête… Au sommet du Top 50 de la journée le tube de Zook Machine et ses chanteuses déguisées en balais . Entre deux anecdotes nous discutons matériel de bivouac, de spéléo et je montre la lampe H30 de chez Acebeam que j’ai achetée comme lampe de secours il y a peu. Pour environ 100 euros c’est un produit qui est vraiment pas mal, en boost la LED principale peut fournir 4 000 lumens, elle accepte des batteries et des piles, il y a deux LED secondaires, une est imposée c’est du rouge 630 nm et pour la deuxième on a le choix entre du vert et, bien plus intéressant en spéléo : une LED UV assez puissante qui permet de faire réagir certains minéraux dont la calcite ce qui est toujours sympa à montrer (il faut toutefois rappeler que le rayonnement UV n’est pas bon pour les yeux alors à utiliser avec modération et sans diriger le faisceau vers les yeux de quelqu’un). Thomas semble conquis : il a trouvé son prochain investissement.

En plat de résistance Théo décide de poursuivre notre travail de critique culinaire des plats « trek-alpinisme » lyophilisés et tente ce jour les pâtes à la carbonara… Verdict : pas meilleur que l’aligot et en prime un mal de ventre… Décidément en plus d’être hors de prix ces machins ne sont définitivement pas terribles… Encore, le hachis parmentier passe à peu près si l’on n’est pas regardant… Mais au final il vaut mieux prendre de bêtes soupes ou nouilles asiatiques. Le temps passe vite sous terre et Nicolas et Théo scrutent les parois à la recherche de spits pour accrocher les hamacs (un arceau creusé dans la glaise du sol échappera à leurs regards et d’après son placement il a sûrement été creusé pour ça, c’est noté pour une prochaine fois). Finalement Nicolas décidera de dormir par terre et Théo testera la résistance des spits installés (trois spits voisins avaient lâché, ça met en confiance) … Il s’endormira tout de même avec son casque pour prévenir une éventuelle rupture nocturne. Il est environ minuit trente quand nous coupons les lumières et nous blottissons dans nos duvets (sauf pour Théo qui lui ne se blottit dans rien, le cul chauffé par sa bougie).

Dimanche 17 janvier 2021, il est 9 h quand la troupe émerge. Pour ma part la nuit fut bonne (j’aurai dû éviter la bière pour ne pas faire de passage aux toilettes et prendre une bouteille d’eau mais bon…), ce qui fut aussi le cas de Thomas, Nicolas et Maud (qui a juste eu un peu chaud sous ses deux duvets). Pour Benoît apparemment ce n’était pas folichon et pour Théo c’était partagé : tant que la bougie était allumée ça se passait à peu près bien, mais quand cette dernière s’est éteinte ça lui a vite rappelé qu’un duvet n’est pas de trop, il aura fini la nuit avec la technique du frotte mains pour ne pas se refroidir… Comme on dit : « l’apprentissage par l’échec ça marche bien ! » Nous chauffons de l’eau et préparons du café. Nous avons même le luxe de pouvoir en préparer avec la cafetière à piston que nous avons réussi à ramener sans la briser. Nous petit-déjeunons, certains mangent des biscuits apéro, d’autres du pain aussi mou et résistant qu’un bout de « caouèche » (mot issu du jargon des plongeurs « sout » désignant un bout de chambre à air, objet à première vue insignifiant mais qui trouve mille et un usages dans cette discipline). Maud s’entraînera au visé en allant faire ses besoins dans un sac plastique, moi perso j’attendrai d’être à la surface, j’ai laissé mes lunettes dans la voiture et une erreur de visée serait la malvenue.

L’inertie de groupe nous fait traîner autant que l’interrogation sur la météo à l’extérieur. Il nous faudra une bonne heure et demie pour avoir remballer. Benoît et Thomas partent en premier. Maud et moi suivrons 15 minutes plus tard. Nicolas et Théo fermeront la marche et déséquiperont. La montée avec trois kits me réchauffe bien et la remontée dans la glace et la neige avec mes trois freins aussi. Maud m’offrira une belle pièce de théâtre comique sur la vire « des mille et unes combines » mais finalement s’en sortira bien . Dehors il a bien neigé pendant notre sortie, on a bien pris 15 cm de neige fraîche.

Une fois tous aux voitures nous nous changeons rapidement et par chance arrivons à faire partir sans difficulté les voitures. Environ trois heures plus tard nous arrivons au local, l’heure du couvre-feu approche à grand pas, nous allumons un feu et laissons le matériel sécher. Nous le laverons une autre fois. On se dit à très vite et repartons tous vers nos foyers avec plein de bons souvenirs en tête.

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