Accueil > Le P’tit Usania > 2025 > 320 - Avril 2025 > 320.1 - À propos du CO2 dans les cavités

320.1 - À propos du CO2 dans les cavités

Christophe Prévot

jeudi 3 avril 2025, par Bertrand Maujean

À l’occasion des stages régionaux de fin d’année 2024 nous avons été confrontés à un problème de présence importante de dioxyde de carbone (CO2).

Plus dense que l’air, le CO2 peut s’accumuler dans des points bas et y être très concentré… En novembre dans le Doubs cela s’est traduit par 2 passages fatigants dans la grotte des Cavottes (Montrond-le-Château) avec besoin d’hyperventiler très fortement et d’ouvrir les combinaisons par excès de chaleur. L’hyperventilation est un des premiers signes d’un taux de CO2 plus élevé que la normale, comme l’indique l’INRS dans Documents pour le médecin du travail no 79 (1999), la fréquence respiratoire pouvant passer de 1,4 pour un taux de 4 % de CO2 à 2,4 pour un taux de 7 %. En décembre en Meuse, nous avons été amenés à tester un détecteur dans la grotte du Cimetière (Comble-en-Barrois) et remarquer des taux plus importants que la normale avec, à nouveau, le besoin d’hyperventiler et d’ouvrir les combinaisons.

Face à ces problèmes nous avons décidé d’acquérir 2 appareils de mesure au niveau du club qui ont été livrés en février et ont permis d’effectuer des premiers relevés par nos propres moyens.

Il convient de rappeler que, de nos jours, le taux de CO2 dans l’air est de 415 parties par million (ou ppm) ou 0,0415 %. Selon un rapport de l’Anses de 2013, la « concentration [de CO2] dans l’air intérieur des bâtiments est habituellement comprise entre 350 et 2 500 ppm environ ». Une étude de 2012 de Satish, Mendell, Shekhar, Hotchi, Sullivan, Streufert et Fisk aborde les effets d’une concentration anormale de CO2 sur le plan cognitif via une expérience menée sur 22 sujets humains en les plaçant pendant 2 h 30 dans une ambiance à 600, 1 000 et 2 500 ppm de CO2. Les chercheurs concluent qu’« à 1 000 ppm de CO2, contre 600 ppm, les performances ont été significativement réduites sur six des neuf paramètres de performance décisionnelle. À 2 500 ppm de CO2, contre 600 ppm, les performances ont été significativement réduites dans sept des neuf métriques de performance, avec des taux de percentile pour certains paramètres de mesure de performance diminuant jusqu’aux niveaux associés à des performances marginales ou dysfonctionnelles. »

La fiche toxicologique no 238 « Dioxyde de carbone » de 2020 de l’INRS précise les effets d’une toxicité chronique pour l’être humain. « Les effets d’une exposition prolongée au CO2 ont été étudiés pour évaluer la tolérance des sujets à des séjours en espace confiné (sous-marins, par exemple). […] Pour des concentrations inférieures à 1 % [NDLR : 10 000 ppm], les variations des paramètres biologiques ne sont pas significatives. À partir de 1 %, on note une légère augmentation de la pression de CO2 artérielle ainsi que de la pression partielle en oxygène en raison d’une hyperventilation. » Pour une toxicité aiguë il est noté que « les premières manifestations apparaissent lors de l’inhalation d’une atmosphère contenant 2 % [NDLR : 20 000 ppm] de CO2 ; elles se traduisent par une augmentation de l’amplitude respiratoire. À partir de 4 % [NDLR : 40 000 ppm], la fréquence respiratoire s’accélère et la respiration peut devenir pénible chez certains sujets. À partir de 5 %, s’y ajoutent des céphalées, une sensation de vertige ainsi que les premiers effets cardiovasculaires et vasomoteurs (augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, vasodilatation périphérique). À 10 %, on peut observer des troubles visuels (parfois associés à une dégénérescence rétinienne), des tremblements, une hypersudation et une hypertension artérielle avec perte de connaissance, chez certains sujets, si l’exposition dure une dizaine de minutes. Lorsque l’on avoisine 20 %, des troubles graves d’apparition rapide peuvent survenir : dépression respiratoire, convulsion, coma et mort. »

Selon l’European Industrial Gases Association (EIGA, 2024) « l’exposition moyenne d’un employé en bonne santé sur une période continue de huit heures ne devrait pas excéder 0,5 % (5 000 ppm). » Cette valeur est appelée la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP). La VLEP CT (VLEP à court terme, soit 15 minutes) est fixée à 10 000 ppm (1 %) en Allemagne ou 30 000 ppm (3 %) aux États-Unis.

Chacun réagit différemment au taux de CO2, suivant sa forme physique, ses capacités respiratoires, son métabolisme, etc. mais on peut retenir qu’un premier palier se situe à 5 000 ppm pour une journée (8 h) d’exposition pour un employé travaillant régulièrement dans une telle atmosphère et que le seuil de 10 000 ppm est un premier repère pour une exposition de courte durée, comme le signale d’ailleurs l’Anses : « l’apparition d’une acidose respiratoire, premier effet critique du CO2, peut être admise à partir d’un niveau d’exposition de 1 % (10 000 ppm) pendant au moins 30 minutes chez un adulte en bonne santé avec une charge physique modérée ».

Au regard de ces informations, on peut supposer que le taux dans les Cavottes en novembre 2024 devait être très élevé, certainement bien au-delà des 20 000 ppm (?). Affaire à suivre...

Le fait de disposer d’un détecteur à l’occasion de visites de cavités naturelles ou anthropiques où l’effet du CO2 est déjà ressenti ou à titre préventif pour effectuer des mesures va permettre de préciser les taux de concentration et de réfléchir aux fréquences de visites quand le taux devient trop important et d’éviter un accident.

Parmi les tous premiers tests de nos détecteurs, celui réalisé le 1er mars à la mine de Val-de-Fer (Neuves-Maisons) a montré un taux global variant de 6 500 à 7 700 ppm sur environ 3 h. Pour ma part, j’ai effectivement eu un coup de chaud à un moment (ouverture de la combinaison, enlèvement du tour de cou) mais je n’ai pas ressenti le besoin d’hyperventiler. Bien que ce taux soit assez élevé, il semble acceptable au regard de la législation en vigueur pour les professionnels et vis-à-vis des recommandations de l’Anses et ne semble pas nécessiter de mesure particulière si ce n’est d’envisager une surveillance régulière.

Bibliographie :


Et lire aussi spécifiquement : Buch J.-P. (Dr). 1996. Intoxications gazeuses. SSF 30 - SCSP Alès. http://comed.ffspeleo.fr/docs_comed/documents/Intoxications%20gazeuses.pdf

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)