Un
jour, 2 jeunes spéléologues, décidèrent de descendre au fond du Caladaïre.
L’entreprise étant de grande envergure, les préparatifs furent minutieux.
D’abord, l’emploi du temps. « Samedi et dimanche nous visiterons quelques
grottes du Doubs avec ma famille » annonça Filip.
« C’est d’accord » répondit David, puis ajouta « ensuite nous
irons au lac des chambres à Samoëns pour nous dégourdir les jambes avant de
descendre dans le Caladaïre ». « C’est
d’accord » répondit Filip.
C’est
donc par une belle matinée d’été que nos 2 jeunes spéléo, accompagnés d’une
dizaine d’initiés, se rendirent dans le département du Doubs pour une sortie
initiation. Les 10 initiés (André, Joseph, Marie, George, Natacha, Franck,
Victoria, Alexandra, Jahnny et Luna) étaient
totalement novices. Pour cette occasion, Dominique et Jérôme, de l’USAN,
étaient de la partie. La journée commença par un pique-nique au bord de la
grotte de Gonsans (pour remplir les ventres et
détendre les esprits). La visite de ce trou fut un franc succès !
Contrairement aux rumeurs (celui-ci ne descendra pas, untel a peur du noir,
l’autre redoute ceci…) tout le monde, je dis bien TOUT LE MONDE, est descendu,
et ce malgré les difficultés à franchir les premiers mètres de l’entrée ô
combien glissants et périlleux ! Tous furent ravis (enfin je crois) de
découvrir la cavité. Les concrétions, les formes de dissolution, etc. Après
quelques clichés pour immortaliser l’instant, l’équipe ressortit au grand
complet. Le reste de la journée fut consacré à la visite des quelques
formations de surface telles que le porche de la Sarrazine et la
résurgence de la source du Lison à Nans-sous-Sainte-Anne.
Chacun trouva un peu de sommeil, après un somptueux banquet (un peu, car
quelques hurlements d’ours firent trembler les murs. paraît-il). Le lendemain
la grotte choisie était d’un autre niveau, et sélectionna au fur et à mesure,
les plus téméraires. Trois n’entrèrent même pas, 2 s’arrêtèrent au premier
ressaut, quant à la petite Luna (âgée de ?) elle reviendra un jour c’est
sur. Alex, Jahnny, Franck et Victoria touchèrent le
fond. Puis victoria et Franck s’offrirent même le luxe d’une petite descente en
rappel d’une trentaine de mètres !!!
Pour
l’organisateur, ce week-end fut une franche réussite, tous touchèrent du doigt
le monde souterrain, et ses difficultés ! (certains semblaient même prêts
à réitérer !!! objectif atteint.)
Comment
à leur habitude, Filip et David reprirent le chemin
de la liberté… à 2. Direction
Sur
leur chemin vers le Vaucluse, ils croisèrent (plus ou moins volontairement) une
via ferrata
perchée sur un bout de rocher. En 2 mouvements ils atteignirent le sommet. Mais
quelle surprise les attendait ! Des nains siégeaient entre les dalles de
pierres, protégeant ce lieu des esprits malfaisants. Ne voulant de mal à
personne, les nains laissèrent gentiment passer les 2 spéléos.
« Finalement ils ne sont pas si méchants ! » se dirent-ils. À la
fin de la journée, ils finirent la route et établirent leur camp au sommet de
leur objectif : le Caladaïre.
Alors
qu’ils se préparaient pour l’entrée, David et Filip
rencontrèrent Nounours et ces 3 oursons. Nounours était un sherpa bleu dépourvu
de bras et de jambes, contenant
Le Caladaïre n’est pas une grotte, c’est une porte ouverte sur
un nouveau monde. Un monde sombre, étrange. Sa grandeur effraie, mais sa beauté
rassure. L’entrée reste très sommaire, juste une diaclase, ouverte sur quelques
mètres en surface, dans un maquis où aucun humain ne passe, comme s’il ne
voulait pas être trop dérangé ou seulement par les plus avertis. Rien de
terrifiant lorsqu’on ignore ce qui s’y cache. C’est Filip
qui commença l’équipement. Au pied du premier puits de
Ils
s’engagèrent donc dans le méandre. L’avancée fut pénible, des escalades et
désescalades toutes plus techniques les unes que les autres s’enchaînaient.
Face au puits Sans-nom le moral se perdit. Extrêmement glissant et très mal
équipé, David avait du mal à se concentrer et à réaliser son travail. C’est
avachi sur la roche comme un vulgaire morceau d’argile qu’il réussit à équiper
le puits. La nature les testait-elle ? Voulait-elle savoir s’ils
méritaient de continuer ? En tous cas, ils étaient tous 2 déterminés à ne rien
lâcher. Au pied du puits Sans-nom s’ouvrait le puits Noir. Comme une pause
offerte par le gouffre, il était extrêmement facile à équiper et d’une
incroyable beauté. Des rognons de silex de taille variée ressortaient des
parois du puits, parfois de plusieurs dizaines de centimètres, comme s’ils se
lançaient un défi entre eux, à celui qui tiendra le plus longtemps !
Quelques
ressauts plus bas, nos 2 spéléos décidèrent de faire une pause. Le moral
faible, la fatigue grandissante, une soupe chaude et un café leur permirent
d’oublier tous les soucis, quant au temps déjà passé sous terre... Dans la
salle où ils s’étaient arrêtés, un grondement de tonnerre se faisait entendre.
Le puits était en crue, « peut-être que nous ne pourrons pas
passer ? » dit Filip d’une voix rauque.
Mais qu’importe, un croisement de regards leur suffisait pour se
comprendre : « on avance… et puis c’est tout ». Ils s’engagèrent
dans le méandre qui les mena au balcon du P11. Ici, pas d’équipement, les 2 spits prévus n’existaient pas. David commençait à s’exciter
lorsque Filip lui fit reprendre ses esprits,
« non David tu ne descends pas à l’arrache en t’amarrant sur un A.N., on a
des spits, on s’en sert ». Puis il ajouta
« on va faire comme chez nous et on va placer notre propre
équipement ». David accepta et prit le temps de planter 2 spits puis descendit le puits. L’eau descendait du ciel,
impossible de distinguer clairement d’où, le plafond était beaucoup trop haut.
« Finalement, la cascade n’est pas si terrible » dit David. En effet,
la cascade était encaissée au fond de la salle, laissant le pied du P11 plutôt
sec.
Après
une dernière étroiture, ils arrivèrent au sommet du puits de l’Amitié (puits de
Le
franchissement des quelques puits et de la galerie d’argile pour arriver au
bivouac fut la plus terrible des épreuves qu’ils vécurent. La fatigue avait
totalement englouti leurs corps et leurs esprits. Ils n’étaient plus de ce
monde, ni d’aucun autre d’ailleurs. Ils n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes.
Ils avançaient mécaniquement, les yeux se fermaient à chaque minute de repos.
Les mouvements étaient à leurs ralentis le plus bas. Tous glissaient, tout
était instable, leurs jambes tremblantes les portaient à peine. Combien de temps
pour remonter cette partie ? Ils réussirent malgré tout à trainer leur
carcasse jusqu’au bivouac. Ici, même pas la peine de poser la question, les 2
corps s’effondrèrent nets. Ils prirent alors le temps pour tout. Réactivation
des lumières qui s’étaient arrêtés. Heureusement un bon repas les attendait, au
menu salade de pâtes, saucisson, fromages variés, chocolat, soupe chaude, café,
bref le luxe !!! Le gouffre leur avait retiré des forces lors de cette
remontée mais il en fallait beaucoup plus pour abattre nos 2 aventuriers. Une
fois régénérés, ils rentamèrent la montée. Le moral à bloc car ce qui les
attendait désormais, ils l’avaient déjà vécu, et plus rien ne pouvait les
effrayer. La partie était gagnée, bien que leurs corps fussent à -300, leurs esprits étaient déjà sortis !
Les
puits s’enchainèrent à la vitesse de l’éclair. Ils abordèrent la diaclase à
cran avec sérénité, se passant la famille Nounours par étape. En moins de temps
qu’il n’en fallait pour le dire, ils étaient au pied du P90. Le P90 restait une
épreuve encore incertaine ; ils prirent le temps de manger et boire, et
surtout de réfléchir à la manière dont ils allaient remonter le matériel.
Le
temps reprit d’un coup. Il était 4 h du matin, une ride de 44 heures
s’inscrit sur chacun des 2 visages. C’était le temps qu’ils y avaient passé. En
surface, tout a un temps, le ciel s’éveille, les étoiles s’éteignent, l’herbe
grandit puis fane. Dans le monde qu’ils avaient traversé, rien de tout ça. Les
2 aventuriers le savaient déjà ; sous terre ils y étaient depuis toujours,
et y resterons toujours. Vers 5 h ils entamèrent la visite d’un nouveau
trou, aussi grand, aussi puissant, aussi enivrant, le gouffre de leurs rêves…
Les rayons du soleil les ramenèrent en surface vers 9 h. S’éveillant comme
des fleurs, ils déjeunèrent, remontèrent Nounours et sa famille puis levèrent
le camp. Le Caladaïre allait rester là, seul, anonyme
aux yeux de tous, mais présent dans l’esprit de 2 jeunes fous. Ils voulaient
voir le puits de l’Amitié, mais le vrai puits d’amitié c’est au fond de chacun
d’eux qu’il s’ouvrait.
Leur
périple se finit comme à l’habitude, au local spéléo, se remémorant les
difficultés techniques et physiques rencontrées, les joies, les peurs, les
envies, les regrets, l’amitié… depuis ce jour, ils vécurent heureux et lovèrent
beaucoup de cordes !!!