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194.3 - Aperçu sur les trichoptères des cavités souterraines lorraines

Bernard HAMON

mardi 7 octobre 2014

(extrait de Scories Spécial Biospéologie n° 436, août-sept. 2014, revue de la CPEPESC Lorraine)

Dans le monde, il existerait de 6 000 à 8 000 espèces de trichoptères (Insectæ) : sur les 400 espèces françaises, la Lorraine en compte plus de 200 selon les inventaires établis par D. Vein, en 2006 au titre de la Société lorraine d’entomologie (S.L.E.).

Des entomologistes spécialisés comme J. Bitsh, B. Frochot (en 1962), ou encore Y. Bouvet (en 1974) ont établi qu’une quinzaine d’espèces fréquentaient les milieux souterrains. Pour les biospéologues (Jeannel, 1943 - Ginet & Decou, 1977,...), le nombre de ces trogloxènes (voire subtrogloxènes) réguliers se réduit à une demi-douzaine.

En Lorraine les premières données souterraines comportant des trichoptères sont le fait de chercheurs (professeurs Husson et P. Remy) ou plus récemment des professeurs J.-P. Henry, F. Herriot ou encore G. Vaucel. Au début des années 90, P. Grankoff de la CPEPESC Lorraine avait suivi une petite population de Stenophylax permistus à Gorze (57) dans la grotte-diaclase de Robert Fey. En 1991, la Pr. J.-P. Henry, de l’université de Dijon, lui précisait qu’en Lorraine trois espèces fréquentaient les milieux souterrains, à savoir : Stenohylax permistus, Stenophylax vibex, et Micropterra listacca. Les connaissances ayant progressé, la littérature régionale accessible en 2014 fait état d’au moins sept espèces (ou genres) reconnues sous terre. Les plus courantes et les plus significatives appartiennent toutes à la famille des Limnephilidæ : citons Stenophylax permistus (Mac Lachlan, 1875), Stenophylaxvibex vibex vibex (Curtis, 1834), Micropterra nycterobia (Mac Lachlan, 1875), Micropterra testacea (G. Melin, 1837).

Les trichoptères sont des insectes qui ressemblent à des papillons, avec des ailes étroites, repliées contre le corps, en forme de toit, de couleur brune ferrugineuse. Ils entrent dans la composition faunistique des associations pariétales des porches, occupant le même espace que d’autres insectes (diptères, hyménoptères, lépidoptères,...), des aranéides, des myriapodes... Ils sont aperçus de mai à octobre contre les plafonds et les parois des zones d’accès aux grottes et autres milieux souterrains, à l’occasion de leur diapause d’été.<img width=682 height=222
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Périodes des observations

Sites souterrains

Effectif

Climat intérieur

Lumière

Commune

Lieu-dit

Temp. air °C

Humidité relative %

Mvt d’air

Visible

Non

2007 à 2010

Dalem (57)

Mine de cuivre

1 à 7

7,2 à 22,5

60 à 100

+

X

 

2010 à 2014

Falck (57)

Mine de la Grande Saule

1 à 34

7,7 à 16

65 à 80

0 à +

X

X

2006 à 2014

Longeville-lès-St-Avold (57)

Mine du Castelberg

1 à 164

9 à 11,5

62 à + de 100

0 à +

X

X

Stenophylax permistus et conditions climatiques de quelques biotopes souterrains

Parmi les trichoptères nous avons suivi des populations de Stenophylax permistus dans plusieurs sites parmi lesquels la petite mine de cuivre de Dalem, avec D. Aupermann, la mine du Castelberg à Longeville-lès-Saint-Avold et la mine de la Grande Saule à Falck, les authentifications des espèces ayant été faites par des spécialistes de la S.L.E. (G. Jacquemin, A. Ruffoni et D. Vein).

Si Stenophylax permistus occupe préférentiellement les zones de porche – espaces souvent ventilés et où la lumière du jour est visible – nous l’avons observé dans des secteurs plus profonds des cavités, en absence de toute lumière. L’espèce peut supporter des écarts de températures marqués (de 7,2 à 22,5 °C) mais la fourchette préférentielle se situerait à 12 +/- 5 °C. L’humidité relative ambiante de l’air paraît être un facteur important pour l’espèce : celle-ci est comprise entre 60 et 100 % (air saturé). Sous terre les individus sont plutôt épars : ils ne forment pas des clusters regroupés comme peuvent le faire certains lépidoptères (Scoliopteryx libratrix).

Les jeunes adultes, les imagos, de Stenophylax permistus éclosent après environ 15 jours de nymphose au printemps et pénètrent sous terre à la fin mars / début avril à mai. Les éclosions peuvent se poursuivre jusqu’au mois de juin. La pénétration sous terre s’effectue progressivement et concerne mâles et femelles. Dès mai-juin, nous pouvons observer, sous terre, des accouplements, les premières pontes – les plus précoces – pouvant commencer dès juillet. Dans les sites, les effectifs montent peu à peu pour atteindre leur maxima en juillet-août. En été, la population demeure active ; dans les sites, il y a renouvellement des individus. En 1991, P. Grankoff avait l’existence d’un flux d’individus dans la grotte-diaclase de Robert Fey à Gorze tout en mettant en évidence qu’un fond fidèle d’individus préalablement marqués étaient restés présents tout l’été.

La mortalité de l’espèce sous terre est attestée mais elle paraît limitée au regard des effectifs observés ; elle peut, en outre, varier d’un site à l’autre selon les causes, par ailleurs multiples : parasitage (micromycètes), prédation (chiroptères, Meta menardi, plus exceptionnellement Oxychilus sp.), épizooties, modifications brutales des conditions climatiques (baisse de l’hygrométrie).

En août-septembre, les effectifs sous terre de Stenophylax permistus diminuent rapidement ; c’est la période pendant laquelle les femelles achèvent leur diapause pour aller pondre et mourir – les mâles étant morts après la reproduction pour la majorité, les autres mourant en automne. Les œufs donnent naissance à des larves aquatiques qui, protégées d’un fourreau, traversent l’hiver jusqu’à la nymphose. Les trichoptères comptent ainsi une seule génération par an.

Pistes de lecture :

· Bournaud, M. (1971) - « Observations biologiques sur les trichoptères cavernicoles », Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon n° 7, Lyon, p. 197-211

· Bouvet, Y. (1974) - « Écologie et reproduction chez les trichoptères cavernicoles du groupe des Stenophylax (Limnephilidæ, Stenophylacini) » Proceedings of the First International Symposium on Trichoptera, Junk, The Hague, p. 105-109

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