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198.3 - La station de Proasellus cavaticus (Leydig, 1871) de Sarreguemines

Bernard HAMON (extrait de Scories Spécial Biospéologie n° 441, novembre 2014, revue de la CPEPESC Lorraine))

dimanche 1er février 2015

La station de Proasellus cavaticus (station n° 57P05) a été découverte par nos soins le 29 octobre 2002 dans les anciennes carrières souterraines de Welferding, quartier de Sarreguemines en Moselle, sur la rive gauche de la Sarre, après 25 sorties sans observation dans un secteur profond du site. Le professeur J.-P. Henry a identifié l’espèce (in litt. J.-P. Henry du 10 novembre 2002 et du 13 janvier 2003). Depuis, la station a fait l’objet de sept visites, la dernière en date du 10 février 2014 par D. Aupermann (D.A.). La carrière est contrôlée une fois par an par des membres de la CPEPESC Lorraine à l’occasion des comptages hivernaux de chauves-souris, après accord avec le propriétaire. Dans cette note nous nous proposons de synthétiser les observations recueillies sur Proasellus cavaticus et son environnement depuis 2002.

À ce jour, les Isopodes n’ont été observés que dans le secteur sud des carrières, à leur point le plus bas (cote 200 ± 2 m). Des recherches plus approfondies permettent de mieux cerner leur aire de répartition souterraine. Actuellement ils occupent un espace qui est en eau en permanence : cette zone inondée a cependant un niveau qui peut varier de 0,30 à 0,50 m, ce qui entraîne corrélativement une augmentation ou une diminution d’emprise de la superficie de la carrière en eau dans ce secteur. Le sol est une assise calcaro-argileuse ce qui le rend peu perméable (étage du Muschelkalk) et la nappe d’eau qui est alimentée par des écoulements météoriques qui percolent à travers le karst sus-jacent, est également en contact avec la nappe alluviale de la Sarre (cote 195 ± 2 m) et les écoulements souterrains latéraux qui l’alimentent. Lors de grosses précipitations, l’eau se charge de particules fines, argileuses, comme cela a été constaté à la fin de l’année 2002 et en janvier 2003 Figure I). En décantation, ces particules enrichissent le limon dont le sol est tapissé : il s’agit d’un limon fin, gras, jaune à orangé, qui recouvre tout, y compris les cailloux et les restes de boisage ; ces derniers, très noirs et déliquescents au toucher sont constitués de morceaux de planches, de troncs d’arbres, d’éclats divers de bois. Ils constituent un des supports préférentiels des Prosaellus où ils sont par ailleurs, le plus facilement observables.

Les Isopodes se déplacent également sur le limon : ils sont relativement faciles à repérer car leur carapace chitineuse nacrée blanche brille dans l’eau sous le faisceau des lampes. Ceux que nous avons observés ne paraissaient pas très actifs, ni même réactifs : ils sont peu, voire pas incommodé par l’éclairage. Ils se déplacent lentement et pour certains, s’arrêtent même de bouger. Le bruit fait dans l’eau (agitation de l’eau, pas,...) par contre, semble davantage les importuner ; ils s’agitent vers la recherche d’un abri (sous une pierre, dans une petite fissure, sous ou dans du bois mort,...).

<img width=680 height=331
src="LPU198_fichiers/image002.gif" v:shapes="_x0000_s1027">Dates

Nombre d’individus

Température de l’eau en °C

Autres formes

Divers

Obs.

Fourchette

Médiane

29/10/2002

3

7,4

7,4

6 Niphargus schellenbergi dont 1 femelle ovigère

plus de 30 terriers de Niphargus

B.H.

14/11/2002

0

7,4 à 7,5

7,45

/

Eau trouble ; limon

B.H.

17/01/2003

0

4,2 à 4,7

4,45

/

Eau trouble

B.H.

6/3/2003

0

4,4 à 4,8

4,6

2 Niphargus schellenbergi

/

B.H.

3/4/2004

7

5,2 à 5,3

5,25

1 oligochète actif

Terriers de N.

B.H.

24/5/2007

1

7,1

7,1

2 femelles N. s. ovigères

1 planaire sp.

plus de 10 terriers de Niphargus

B.H.

10/2/2014

0

8,8

8,8

/

/

D.A.

Soit 7 visites

1 à 7

4,2 à 8,8

6,5

Planaria sp.

Oligocheta sp.

N. schellenbergi

/

/

Les crustacés vivent dans une eau dont la température relevée (2002 - 2004) peut varier de 4,2 à 8,8 °C pour une médiane de 9,5 °C. Dans cette carrière, la température de l’eau connaît d’importantes variations, selon les secteurs et les saisons (quartiers hauts : de 4 à 13 °C ; quartiers bas : de 4,2 à 11,5 °C, pour la période 1982 - 2014). Rappelons qu’en Lorraine les Proasellus cavaticus ont été observés dans des stations dont l’amplitude des températures de l’eau allait de 4 à 14 °C, pour une fourchette moyenne de 10 ± 1,5 °C (S.S.B. n° 421). Un prélèvement d’eau dans les quartiers hauts de la carrière effectué le 12 octobre 1982 avait permis de montrer la présence de nombreuses bactéries et les teneurs de quelques éléments physico-chimiques dont nous rappelons les principaux : oxygène dissous : 3,5 mg/L ; TH : 23 °F ; Na : 3 mg/L ; Ca : 74 mg/L ; pH : 7,7.

À Welferding Proasellus cavaticus partage ses espaces de vie avec Niphargus schellenbergi ainsi qu’avec des planaires et des oligochètes. Niphargus (station n° 57017) est présent sur l’ensemble de ce milieu hydraulique souterrain des carrières, tant dans les quartiers hauts que bas. La communauté y est importante : plusieurs dizaines d’individus simultanément présents y ont été dénombrés. La reproduction y est attestée par la présence de femelles ovigères et de juvéniles. L’activité de l’espèce y est reconnue : présence de nombreux terriers dans les secteurs limoneux calcaires, indices et traces de déplacement dans les limons. Cette cohabitation a été observée dans d’autres sites mosellans, dans les aquifères du Muschelkalk comme à Bambiderstroff et à Coume. Niphargus est un prédateur de Proasellus (Henry, 1976). De même les Trichodes sont de redoutables prédateurs tant pour les Isopodes que pour les Niphargus. Le réseau trophique pourrait expliquer, en partie, que les effectifs de Proasellus cavaticus demeurent à la fois limités et cantonnés dans ce secteur bas des carrières – des investigations se poursuivent donc.

Pistes de lecture :

· Henry, J.-P. (1976) - Recherches sur les Asellidae hypogés de la lignée Cavaticus (Crustacea, Isopoda : Asellota), Thèse Doct. Sci. nat. (C.N.R.S.), Univ. Dijon, 270 p.

· Hamon, B. in S.S.B. n° 259 de mars 2003, n° 267 de juillet 2003, n° 326 de juillet 2007, n° 399 d’avril-mai 2012, n° 421 d’octobre 2013 et Le P’tit Usania n° 175, mai 2013, USAN, Nancy, p. 1-3

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