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213.2 - Balade souterraine en Meuse

Olivier GRADOT

samedi 30 avril 2016

Samedi 19 mars 2016, il est 7 h 30, je viens de charger mon matériel ainsi qu’un grand pâté lorrain dans ma voiture et je roule pour aller chercher Théo ; j’arrive chez lui vers 8 h, on charge le restant du matériel et on part pour la Meuse. La route nous prend environ 1 h 30 en suivant la RN4 jusqu’à la sortie de la Houpette. On a de la chance il ne pleut pas, mais les températures restent fraiches. Nous passons de jolis villages dont les maisons sont construites avec la pierre caractéristique des carrières locales. Nous traversons Lisle-en-Rigault, passons devant la M.L.S. et continuons notre route vers les bois entourant la commune de Robert-Espagne où se trouve l’entrée artificielle du réseau du Rupt-du-Puits. Autour de nous les paysages portent encore de nombreuses séquelles de la tornade s’étant abattue sur cette zone en septembre dernier, de nombreux arbres ont été couchés au sol et malgré les travaux déjà effectués, il reste encore beaucoup de zones où les troncs et les souches sont à évacuer.

Nous nous garons au bord de la route à côté du chemin menant vers le P50 d’entrée, l’herbe est givrée, ça pique un peu au moment de se changer : il fera meilleur sous terre. Une fois équipés, nous partons. Sur le chemin Théo me raconte l’histoire de la découverte de cette rivière souterraine par des plongeurs et celle du forage du puits dont la mission première était d’évaluer la pertinence de la création d’une retenue d’eau via la construction d’un barrage dans la cavité. Le long de notre petite marche d’approche, il faut slalomer entre les troncs d’arbres (parfois de tailles impressionnantes) qui sont tombés sur le chemin. Par chance pour les spéléos, l’entrée du puits a été épargnée par la tornade.

Après s’être amarrés à deux arbres, nous ouvrons le cadenas et enlevons le couvercle métallique qui bouche l’entrée du puits. Un bruit sourd d’écoulement d’eau nous parvient aux oreilles. Nous prenons garde à refixer et à refermer le cadenas sur le couvercle de façon à ce que personne ne puisse nous faire la mauvaise blague de refermer le puits derrière nous. Théo équipe le puits et part en premier, quelques minutes après j’entends « libre » et je vais le rejoindre. Arrivé en bas, mon descendeur encore trop neuf est brûlant, je me dépêche de l’enlever de la corde et je descends l’échelle fixe de cinq mètres qui me sépare de la rivière. On fixe le bas de la corde à un rocher pour ne pas se la faire enlever par quelqu’un depuis la surface et on entame notre parcours.

Ce jour-là, le niveau de l’eau est relativement bas. Dans la majeure partie du collecteur l’eau nous arrive seulement à hauteur de genou, rapidement nous croisons de sympathiques concrétions et j’apprécie les volumes offerts par la cavité. La progression se fait tranquillement à pied le long de la rivière et nous nous arrêtons souvent pour faire des photos. De nombreuses galeries rejoignent le collecteur et Théo m’indique qu’il faut une bonne journée pour parcourir l’intégralité des galeries à ce jour topographiées. N’ayant qu’une demi-journée pour nous, nous ne pourrons faire qu’une visite partielle. À mesure que nous avançons nous croisons de belles cheminées, la roche calcaire est ponctuellement incrustée de cristaux blancs qui ressortent des parois par érosion différentielle et font penser à des bijoux déposés dans la vitrine d’une joaillerie. Théo m’indique qu’on peut croiser de nombreux fossiles sur les parois de la cavité, la galerie des Dents de Requin en contenait à l’époque en grand nombre mais des pillages ont fait qu’elles sont à présent rares. Après un peu plus d’un kilomètre de marche le long du collecteur nous empruntons une galerie sur notre droite, c’est l’affluent des Marmites qui porte bien son nom, le paysage y est très joli, nous passons par une succession de petites cascades et de petits bassins de formes ovales.

Au départ il était prévu de faire une boucle pour le retour en empruntant cette galerie puis en rejoignant le collecteur via la galerie du Sable et l’affluent de la Grande Cheminée, mais Théo me dit que vu le retard que j’avais déjà occasionné en m’arrêtant tous les dix mètres pour faire des photos ça n’était plus possible... Dans la vie il faut faire des choix... Tant pis pour la boucle : on reviendra !

Nous retournons donc vers le collecteur et empruntons la vire installée en fixe qui passe au-dessus des cascatelles. Ce passage par le haut est agréable à faire et offre une vue plongeante sur la rivière. La vire passée nous redescendons dans le collecteur et remontons jusqu’au siphon terminal. Il est 12 h 45 et on est censé être à la surface pour 13 h 30. Du coup je suis sommé de ranger mon appareil photo (de toute façon j’avais plus de batterie, ah, ah, ah !) et de m’attendre à prendre l’eau car on allait faire au plus court. Pas de soucis pour moi, je suis toujours partant pour nettoyer mon matériel de façon ludique. Nous revenons vers les cascatelles en marchant à vive allure, après une pause Balisto nous les traversons en sautant sans hésitation dans les bassins où l’eau nous arrive au niveau du torse, c’est l’occasion de bien rigoler.

Mouillés jusqu’aux os, mais réchauffés par notre allure soutenue nous retournons rapidement au puits d’entrée. La corde est encore là, tout va bien, je passe en premier, je rattrape le mou de la corde et retourne vers la surface en me félicitant d’avoir récemment investi dans un Pantin. Je suis accueilli par un beau soleil, une fois décroché et longé je crie « libre » pour que Théo puisse remonter. Ce dernier me rejoint vite et, pour la forme, il finit les derniers 15 mètres de l’ascension en alternatif.

Après avoir vidé un litre d’eau de nos bottes, on sort la corde, on referme le puits, on remballe le matériel et on repart vers la voiture. À proximité de cette dernière nous sommes rejoints par Éliane qui venait à notre rencontre. On enlève nos combis toutes propres et on remet des habits secs. Éliane nous ayant proposé de venir prendre notre déjeuner chez elle nous nous y rendons. Le pâté lorrain est fort apprécié, nous en mangeons de grosses parts. Au départ j’avais prévu de rejoindre les équipes de la M.L.S. pour des travaux d’aménagement dans les carrières locales mais au final je reste pour filer un petit coup de main à faire de la désobstruction à la pioche dans le jardin d’Éliane. Nous serons plus tard rejoints par Nicolas et ses deux enfants, Honorin et Colyne, qui étaient venus en renfort. À la fin de l’après-midi, nous nous rendons tous à la M.L.S. où nous retrouvons le reste des spéléos. On fait sécher nos affaires et on profite de l’apéro pour regarder les photos du jour. Et là c’est le drame... Aucun fichier sur la carte SD qui pourtant indique avoir plus de 2 Gio de pris sur sa mémoire... On se regarde un peu dégouttés (en fait j’avais juste envie de pleurer... et de retourner immédiatement sous terre pour reprendre les photos...), mais Nicolas nous sauve en nous expliquant qu’il est possible de récupérer les photos car ce n’est que leur « emplacement » dans la FAT qui est perdu et il nous guide pour trouver un logiciel de récupération. On lance donc la chose et allons dîner.

Pour ce soir, la Taverne Lorraine de la Spéléologie nous a préparé des patates recouvertes de cancoillotte chaude accompagnées de charcuteries : je me régale et me ressers trois fois. Du coup, je n’ai plus de place pour le dessert, c’est pourtant de la Forêt Noire... d’habitude je ne refuse jamais.

Lorsque nous retournons voir Monsieur l’Ordinateur on a la bonne surprise de voir que la majorité des fichiers a pu être récupérée ! Chouette ! On profite de la présence du vidéoprojecteur pour les montrer aux autres puis on lance la projection de deux documentaires spéléos. Le premier est un reportage sur une équipe spéléo suisse faisant de la désobstruction dans le réseau des Fées : nous sommes impressionnés par les moyens mis en œuvre, ils ont même installé des petits wagonnets sur rails. Vivement une installation comme ça à Pierre-la-Treiche ! Le deuxième reportage nous fait partager la magie du Blautopf, un lac situé dans les montagnes allemandes et qui est une exsurgence par laquelle des spéléos ont pu faire de belles premières et accéder à un important réseau dont certaines parties sont sûrement encore à découvrir. Petit à petit tout le monde monte au premier étage de la M.L.S. et nous allons nous coucher.

Le dimanche tout le monde se réveille vers 7 h 30. On prend le petit déjeuner puis un petit groupe se forme pour aller faire une visite de la grotte du Cimetière située à Combles-en-Barrois. Au total nous serons cinq à descendre ; Jean-Michel, Théo, Nicolas, Honorin et moi. Nous faisons le point sur le matériel à notre disposition : on a une centaine de mètres de cordes, quelques amarrages et trois échelles spéléo, on prend le tout et on se dit qu’on verra bien ce qu’on pourra faire avec. On charge les voitures et nous faisons la route accompagnés d’Éliane et de Colyne qui nous suivront jusqu’à l’entrée de la grotte située au milieu d’une petite prairie où pâturent des chevaux.

Jean-Michel équipe le petit puits d’entrée et nous commençons notre visite. Une partie de la cavité a été utilisée comme champignonnière et des bougies indiquent que l’endroit doit être parfois visité par des personnes extérieures à la spéléologie qui doivent certainement passer par la deuxième entrée accessible sans corde via un éboulement. Nous parcourons la cavité vers l’est en empruntant les galeries supérieures. Dans la grande salle une vire permanente est installée : nous l’empruntons et remontons la galerie jusqu’à une petite étroiture boueuse et humide où seul s’aventure Théo qui reviendra quelques minutes plus tard couvert de boue. Il essayera de m’y faire aller en me vendant le rêve d’une superbe concrétion se trouvant de l’autre côté mais il ment très mal et son sourire le trahit rapidement... j’éviterai donc le bain de boue complet. De toute façon, dans cette grotte ce n’est pas la boue qui manque, et comme on n’en avait pas encore assez profité, on descend dans la gadoue vers le fond du P8. Ce dernier a d’ailleurs la particularité d’être lui aussi couvert de boue... un régal. Vu le niveau d’intérêt de la cavité on décide de ressortir, on en profite pour s’encrasser encore un peu plus dans la boue et on bataille avec un de nos mousquetons d’amarrage qui a décidé de ne plus vouloir se dévisser. Mon Pantin est tellement plein de boue qu’il ne sert plus à rien sur la corde nous menant vers l’extérieur... Quand je pense que tout mon matériel était propre ce matin...

On retourne aux voitures et on se change. On fait un crochet chez Éliane pour boire un café en attendant le retour du reste du groupe à la M.L.S. pour aller déjeuner avec eux. Salades gourmandes, pain, fromages et charcuteries composeront notre déjeuner. Une fois rassasiés Théo et moi entreprenons le nettoyage d’une partie du matériel dans les baignoires installées dans la cour de la M.L.S. : la tâche fut laborieuse, mais au moins on ne lavait pas pour rien vu les couches de boue qu’on enlevait. Nous partons en dernier de la M.L.S. et nous nous rendons au local de l’USAN où nous retrouvons Jean-Michel pour laver les cordes et le reste du matériel à l’aide de la machine à laver du club. Chargée comme une mule cette dernière nous a poussé des cris de lamentation qui nous ont bien fait rire. Au moment de l’essorage Théo doit s’amarrer à la machine pour éviter que cette dernière ne se mette à danser la Zumba. En tout cas le résultat est là : des cordes propres en quinze minutes et sans effort, c’est quand même bien pratique !

L’heure tourne, on salue Jean-Michel, je ramène Théo puis retourne chez moi où je suis accueilli par mes deux rats fins excités et tout contents de pouvoir enfin se promener.

Ce fut un chouette week-end bien rempli et j’espère avoir vite l’occasion de refaire le Rupt-du-Puits, mais cette fois-ci de façon plus complète. Merci à Théo pour m’avoir guidé le samedi et à tous les participants de ce week-end avec la LISPEL pour les sourires et la bonne ripaille.

Photos du Rupt-du-Puits : https://www.flickr.com/photos/olivier_gradot/sets/72157666114815942/

Et de la grotte de Cimetière : https://www.flickr.com/photos/olivier_gradot/albums/72157666662617512

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