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291.1 - L’escalade de la Pinaille
Théo Prévot
jeudi 3 novembre 2022, par
Participants : Julien, Lorine, Théo et Thomas (Usan) et Xavier (G.S. Vulcain)
Lorine ayant pu se libérer un peu plus tôt, le départ initialement prévu vendredi 12 août à 21 h est avancé d’une petite heure. Ce n’est pas grand-chose mais quand on sait ce qui nous attend avant de pouvoir rentrer dans nos duvets on se dit que c’est toujours ça de pris ! Après une petite erreur de parcours nous récupérons Thomas à la sortie du péage de Châlon. Le temps de faire le transfert d’affaires et nous voilà repartis. Il est 22 h 30, nous ne serons pas à Samoëns avant 2 h 30...
L’arrivée au refuge des Vulcains est la bienvenue, il est environ 5 h, nous avons mis 2 h 30 pour monter, ce n’est pas exceptionnel, mais ça reste correct. Xavier est arrivé bien plus tôt et nous a déjà préparé les lits. Nous regardons un peu le ciel à la recherche d’étoiles filantes avant d’aller nous coucher. 9 h 30, l’odeur du café me réveille. Julien et Xavier sont déjà debout. À ma grande surprise Lorine et Thomas suivent rapidement. Il faut savoir que Thomas aime bien faire de grosses nuits ce qui lui aura valu le surnom de « marmotton » lors de nos dernières explorations à Vauvougier (Doubs). Une fois le petit déj’ passé nous commençons à organiser un peu le planning du week-end. Il est prévu d’aller sur la Combe aux Puaires. L’objectif est que Xavier et moi allions faire une escalade qui pourrait être très prometteuse dans les amonts tandis que la deuxième équipe se balade un peu et fasse une petite escalade. Pour l’occasion un bref cours de topographie souterraine est donné, histoire que Thomas, Lorine et Julien puissent rapporter leur trouvaille si trouvaille il y a. Nous préparons le matériel à prendre sous terre : 2 perfos, 4 accus, des mèches de 8 mm, 26 Pulses,... Bien que tout le monde ne soit pas de cet avis nous avons la chance de ne pas avoir à porter beaucoup puisqu’il y a déjà pas mal de matériel au bivouac (cordes, goujons, gaz, popotes, matelas...). Nous réchauffons le chili préparé la semaine par ma mamie et mangeons avant d’attaquer la montée.
Nous arrivons à l’entrée du CP16 vers 17 h 30. Le temps de reconditionner le matériel de bivouac pour ne pas dépasser un kit par personne, de s’équiper et nous voilà dans le trou. Je ne m’étalerai pas plus sur ce passage bien comique pour certains. Seul le mot « multiprises » permettra à l’ensemble de l’équipe d’en rire plus tard si jamais le compte rendu refait surface.
Le début du gouffre est principalement vertical et ne présente pas de difficulté majeure. Malgré cela la descente est longue, nous progressons lentement peut-être même trop… Faut-il envisager de faire demi-tour ? Nous quittons la zone que je connais et passons la galerie des Quatre Vents. Comme son nom l’indique il y a un courant d’air, je maudis un peu Lorine qui galère à passer un rétrécissement alors que je me trouve en plein dans le souffle froid. Nous ne sommes en théorie plus très loin du bivouac. Après un peu de crapahut et deux traversées de puits, nous arrivons dans la galerie des Bousiers, une fois de plus le nom parle de lui-même…. Un dernier effort et nous voilà dans la grosse galerie remontante où se trouve le bivouac. Nous arrivons après 8 h 30 de progression, un record ! Nous aurions normalement dû mettre trois fois moins de temps. Nous nous installons dans le bivouac et revoyons un peu les objectifs du lendemain. La deuxième équipe n’ira finalement pas se promener mais ressortira, Thomas étant encore en forme il prendra un perfo et rééquipera quelques points. Xavier et moi gardons notre objectif, selon l’heure de notre retour nous dormirons une seconde nuit au bivouac ou nous ressortirons directement. Bientôt 5 h, nous prenons un dernier pastaga et ne tardons pas à nous coucher. 9 h, le réveil sonne une première fois mais les troupes ont du mal à décoller, nous nous levons vers 10 h… Le temps de se réveiller, reconditionner les affaires, briefer la seconde équipe et nous (Xavier et moi) voilà partis. D’après Xavier il faut un peu moins d’une heure pour arriver au pied de l’escalade, nous mettons finalement une petite demi-heure. Nous étudions un peu la zone, le caillou est pourri, du calcaire en tiroir très friable. De l’eau coule un peu, on aperçoit un départ une vingtaine de mètres plus haut. Je m’équipe et me lance. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup d’eau je me retrouve très vite bien mouillé, le rocher n’est clairement pas fou. Xavier voit une paire de blocs tomber dans la vasque à ses pieds, moi qui avais pris des crochets pour économiser quelques trous je vais bien les laisser accrocher à mon harnais ! Le bout de la corde est rapidement atteint et nous ne sommes pas encore à l’arrivée d’eau. J’équipe un frac sur un belle margelle, Xav replie bagage et me rejoint en retirant les Pulses (quand ils ne coincent pas !). Au-delà, du fait que ça soit un petit peu chiant lorsqu’ils se bloquent, c’est toujours plus rassurant de les voir tenir contrairement à certains que Xav retire à peine en les dévissant. La suite n’est franchement pas mieux, au contraire... L’arrivée d’eau semble peu prometteuse, un départ non visible du bas s’ouvre au-dessus de nous. Son accès est un surplomb très friable, ce n’est pas évident d’y monter. En revanche il y a de la hauteur ! Au moins 20-25 m à vue. Je poursuis vers l’objectif du jour, la traversée est comment dire… périlleuse ! Mais c’est ça qui est bon ;-) Pas de chance pour nous, l’eau provient d’un joint de strate impénétrable ; je prends quelques photos. Il n’est clairement pas possible de mettre sereinement des points ici pour que je redescende, le retour se fait sur les Pulses quasiment tous sortis d’un bon voire de deux bons centimètres, assuré par l’œil avisé de mon compère. N’ayant plus suffisamment de corde pour atteindre le sommet du nouveau départ nous préférons remballer et faire demi-tour.
Le secteur est assez chaotique, avec de beaux volumes. Il faudra revenir car nous sommes tous deux bien intrigués par ce secteur qui semble être la suite logique du réseau. De retour au bivouac nous décidons de faire une pause avant de remonter, nous trinquons à l’escalade de la Pinaille et faisons l’inventaire du matos laissé sur place. Nous quittons le bivouac à 19 h, la galerie est vraiment belle, un beau conduit d’une dizaine de mètres de diamètre. Après 40 minutes de progression nous entendons des voix. Sans même parler notre regard en dit long… Comment se fait-il que nous ayons déjà rejoint l’autre équipe partie du bivouac sur les coups de 13 h ? La montée s’annonce longue, très longue. Nous retrouvons en effet les autres tout aussi surpris que nous, « déjà là ?!? ». Lorine est épuisée, nous ne sommes encore qu’au début il reste 200 m de dénivelé, je reprends son kit, Xav passe en tête et nous décollons.
C’est long, on a froid, mais nous voilà enfin à la base du Rasoir, sentant l’attente arriver je m’enroule dans ma couverture de survie et dis à Thomas de me prévenir quand il sera au sommet. Quitte à patienter je préfère être ici que pendu à un frac. Je suis réveillé en sursaut par Thomas qui crie libre, il est au sommet du Rasoir. À savoir que le Rasoir est un passage peu commun où il faut d’abord monter d’une soixantaine de mètres pour redescendre d’autant derrière. Un shunt permet de couper horizontalement mais d’après les différents retours il vaut mieux monter pour redescendre. Xavier me dira plus tard qu’ils ont mis deux bonnes heures à franchir l’obstacle et qu’il commençait sérieusement à réfléchir où mettre un point chaud pour déclencher un secours. J’ai bien fait de m’assoupir en bas plutôt qu’être dans mon harnais ! Bien qu’épuisée, Lorine continue son ascension, Thomas et moi décidons de faire une pause ici pour laisser aux autres de l’avance. Mieux vaut attendre dans une zone un peu plus confortable sans courant d’air que de leur coller aux fesses, se peler à chaque frac et être dans l’inconfort. Fait est dit, ce fut une bonne idée, nous ne les rattraperons pas. Il est 6 h quand nous retrouvons la lueur du jour. Xavier préfère descendre au refuge, les autres n’ont pas la force et préfèrent dormir ici, je décide de rester. Je fais quelques photos du lever de soleil et ne tarde pas trop.
14 h 30, je préviens Xavier de notre départ du CP16. Lui vient tout juste de se lever (il faut dire qu’il a enchaîné la descente et s’est couché vers 8 h). Nous arrivons pour 16 h, le cassoulet (également préparé par ma mamie) est prêt, nous mangeons, rangeons un peu et lavons le matériel qui reste ici. Nous faisons le point sur l’équipement, j’ai profité de la lente montée pour doubler l’ensemble des points et équiper une petite remontée qui se faisait en oppo. Il n’y aura « plus qu’à » descendre avec un peu de Dyneema, une dizaine de goujons avec plaquettes et un bout de corde de 10-15 m la prochaine fois. Nous n’aurons peut-être pas fait tout ce que nous avions prévu mais ce travail là est à mon sens vraiment pas mal car on ne prend généralement pas le temps de remettre des points. On se fait la réflexion lorsqu’on y est, mais à la descente on préfère garder les accus pour le fond et à la montée on est souvent cramé !
Sur la descente nous discutons un peu de la sortie, nous nous faisons la réflexion avec Xavier que la sortie aura permis un rappel sur l’exigence des trous sur Samoëns. En effet, même si l’accès au bivouac est techniquement simple, la marche d’approche, le froid, la boue et la fatigue accumulée n’en font pas moins des trous rudes. À noter également qu’une corde de secours (que nous n’avions pas du fait du contexte, sortie typée explo avec déjà du matériel) nous aurait permis de gagner du temps sur la remontée en aidant Lorine avec une poulie (poulie que nous avions pour le coup). Le bilan reste positif puisque nous arrivons tous au parking pour 19 h, mais des leçons vont être tirées pour tout le monde.
Ce n’est pas le tout, nous devons encore rentrer, déposer le matos au local et démonter le coffre de toit. Nous chargeons la voiture, disons au revoir à Xavier et le remercions de sa patience. Je suis chez moi pour 4 h, je pose toutes mes affaires en tas, vais prendre une douche et me couche…. La journée de boulot demain va être longue !
TPST (temps passé sous terre) : 34 h
Il reste à aller voir le nouveau départ... On remet ça quand ?
Compte rendu de Xavier : https://groupe-speleo-vulcain.com/compte_rendus/cp16-escalade-de-lamont-de-la-riviere-a-pierrot/