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151.2 - Retour à l’Eigerwand

Boris Sargos

lundi 7 mars 2011

Participants :

· Stéphane Noll et Emmanuel Belut (USAN)

· Anne-Claire et Boris Sargos (G.S. Vulcain)

· Éric Frézal

Fidèles à notre tradition, Stéphane, Manu et moi nous rendons pour le week-end de la Toussaint dans l’Oberland bernois pour notre habituel pèlerinage de canyon glaciaire. Éric Frézal nous rejoint avec son camion aménagé. Nous nous retrouvons ainsi à Lauterbrunnen le vendredi soir dans notre gîte préféré, le Valley Hostel. Par rapport à l’an dernier à la même époque, les températures sont douces. Nous craignons alors un niveau d’englacement trop faible, rendant les canyons impraticables. Mais nous verrons bien demain...

Samedi 29 : nous sortons du lit assez tard (vers 9h). Après un copieux petit déjeuner, nous partons vers 10h30 avec comme objectif de descendre le canyon ouvert par Manu trois semaines auparavant et terminer son ouverture. L’accès au canyon est déjà par lui-même une aventure. Ainsi, après une demi-heure de voiture, nous arrivons à la gare de Grindelwald où, le temps de nous préparer, le train nous passe sous le nez. Nous attendons donc une heure dans le hall le train suivant, en combinaison néoprène, sous le regard incrédule des voyageurs Suisses. Le train arrive pile à l’heure, comme on peut s’y attendre en Suisse. En un court quart d’heure, il avale la raide montée nous menant au village d’Alpiglen où nous descendons. À peine sortis du train, nous levons les yeux et contemplons le colosse qui se dresse subitement devant nous : l’Eiger, du haut de ses 3 970 mètres, s’impose majestueusement. Situés au pied du versant nord, nous cessons de contempler cette impressionnante falaise et empruntons rapidement un sentier qui semble vouloir se mesurer à cet ogre géant. Car l’heure tourne et nous avons déjà pris du retard. L’épaisseur de la neige est plus importante que prévu et peu à peu notre excitation fait place à l’inquiétude. Le chemin de randonnée se perd rapidement sous la neige et Manu doit rassembler ses souvenirs pour faire la trace devant nous. Dans ces conditions, le canyon, pourtant proche de nous, est difficilement visible. Aucun bruit d’écoulement d’eau ne se fait entendre. Ce n’est d’ailleurs qu’à quelques centaines de mètres de lui que nous nous rendons compte que ses grandes cascades sont glacées. Finalement, après une marche devenue de plus en plus pénible (nous avons dû chausser les crampons), nous décidons de démarrer la descente là où Manu l’a démarrée trois semaines plus tôt, abandonnant ainsi l’idée d’ouvrir la partie amont, trop en glace. Nous ignorons à cet instant si le canyon est praticable et redoutons les barrages de neige et de glace. Cependant, Manu nous rassure en nous informant que ce canyon très étroit comporte plusieurs échappatoires et que l’encaissement n’est jamais supérieur à cinq mètres. Nous nous engageons donc dans un méandre étroit, dont le plancher semble n’être fait que de glace. Les bords sont couverts de neige, et de grosses stalactites nous menacent de toute leur hauteur. L’épaisseur de la glace est somme toute assez faible et celle-ci se brise généralement facilement sous notre poids. Le tapis blanc fait donc souvent place à une vasque d’eau froide dans laquelle flottent de nombreux glaçons. Nous avançons finalement dans ce que nous avons appelé du « Mister Freeze », mélange d’eau et de glace, où la progression est très pénible. La sortie de certaines vasques est sportive et nos contorsions pour nous hisser sur la berge ne sont pas sans rappeler les otaries de cirque. Les crampons ne sont pas inutiles pour tenir sur les parties qui ne se cassent pas sous nos pas, et dans les cascades de glace que nous descendons délicatement en rappel. Au bout d’une heure pendant laquelle nous n’avons avancé que d’une petite centaine de mètres, nous arrivons à la première des deux grandes cascades (une trentaine de mètres). Le panorama est sublime. Nous dominons toute la vallée. Alors que face à nous les couleurs d’automne contrastent avec la blancheur des pistes de ski, nous devinons un peu en-dessous de nous, à travers ce manteau blanc, l’entaille sombre que forme notre canyon, tel un serpent géant glissant sur la neige. La cascade que nous descendons coule contre une énorme colonne de glace de plus de deux mètres de diamètre. À son pied, le canyon s’élargit et nous offre l’opportunité de sortir afin d’éviter la partie qui suit, trop encombrée de neige. C’est ce que nous décidons de faire. Nous coupons ainsi avec plus ou moins de facilité à travers les pentes de l’Eiger et regagnons le canyon au niveau d’une passerelle. Le défilé rocheux se resserre de plus en plus et il y a de moins en moins de neige (mais un peu plus d’eau). Nous commençons à percevoir la véritable esthétique de ce canyon. La progression est plus aisée, mais nous n’arrivons qu’à 17h à la deuxième passerelle, endroit où Manu avait stoppé sa progression lors de son ouverture. Le dernier train à redescendre sur Grindelwald part dans quarante minutes et il nous reste la partie basse à ouvrir. Nous décidons de poursuivre l’ouverture, quitte à redescendre à pieds les huit cents mètres de dénivelé qui nous séparent de notre véhicule. Éric sort son perfo, et nous partons vers l’inconnu... À cette altitude il n’y a plus de neige et le niveau d’eau a bien monté. Et le canyon s’encaisse encore plus. Nous devons enlever nos sacs à plusieurs endroits pour pouvoir passer tant les parois sont rapprochées. La roche s’emballe et se contorsionne en des formes dignes de sculptures modernes. La faible clarté de ce monde quasi souterrain rend ces formes encore plus incroyables. L’eau du glacier devient magnifique. Le canyon n’en finit pas de nous surprendre par la continuité de son encaissement. Nous sommes dans un autre monde… Puis, une petite heure plus tard, nous apercevons les premiers arbres. La fin n’est pas loin. Aussi curieux que cela puisse paraître, le canyon s’ouvre soudainement, puis plus rien. Plus d’encaissement, plus de canyon. Nous prenons un balcon en rive gauche et traversons une sapinière pour quitter le talweg. Un dernier regard derrière nous nous fait entrevoir une fine entaille dans un bout de falaise. L’idée de savoir que nous sommes les seuls à savoir que cette faille se prolonge en un magnifique méandre taillé dans une roche folle nous fait frissonner de satisfaction et de joie.

Nous rejoignons la route en une demi-heure. En même temps que la nuit tombe, se lève un violent vent de Fœhn. Une heure et demie de marche sur le goudron nous amènent à la voiture. Nous sommes au gîte une heure plus tard où nous préparons des pâtes et du « vinaigre aux tomates ».

T.P.E.C. : 4h30

Dimanche 30 : parmi les beaux canyons du secteur, il y a Rosenlaui. Ce canyon étant très peu parcouru (une ou deux équipes par an), nous avons peu d’infos sur la descente. Mais nous connaissons le secteur pour l’avoir repéré au courant de l’été 2009. Nous quittons le gîte après un copieux déjeuner en compagnie de coréens (et de leur soupe aux choux). Nous sommes sur le site vers 11h. Une demi-heure de marche sous un vent à décorner un bœuf nous amène au départ du canyon, quelques centaines de mètres en-dessous d’un magnifique glacier. Pour nous habiller, nous tentons vainement de nous abriter du vent derrière un gros rocher.

Notre première difficulté est de trouver le point d’entrée du canyon. Il faut savoir qu’en été, son débit peut atteindre 5 m3/s. Il n’est donc pas impossible que des points aient été arrachés. Nous optons pour poser la corde autour d’un jeune sapin situé en rive droite d’un gros affluent. À partir de maintenant, il n’y a plus de demi-tour possible. Le niveau d’eau de l’affluent est très tranquille. L’eau est magnifiquement claire et le canyon bénéficie d’un large jeu de couleurs. Le deuxième ressaut n’est pas équipé non plus et nous coinçons un anneau de corde entre deux rochers en guise d’amarrage. Puis nous rejoignons le Rosenlaui dans une superbe cascade où nous nous faisons bien mouiller. Le débit a doublé mais, même s’il est conséquent, reste largement abordable. Cette fois nous sommes tout au fond de l’encaissement, et la lumière se fait timide. L’ambiance est au rendez-vous, et le canyon est de toute beauté... Le canyon est équipé a minima et la plupart des ressauts qui se désescaladent mériteraient un point. Nous en posons d’ailleurs un, ce qui nous permet de tester les « vis à bois » de Manu. Nous traversons une magnifique, mais hélas trop courte partie souterraine. Et nous voici à peine deux heures après être entrés, à la dernière cascade du canyon, la plus grande (trente mètres). Je fais mon dernier film du week-end et je remballe tout, car c’est déjà fini. Nous rentrons à la voiture et nous changeons à l’abri d’une cabane. Nous rejoignons le gîte une heure plus tard et nous couchons tôt, après notre traditionnel repas de pâtes.

T.P.E.C. : 2h30

Lundi 31 : nous nous levons tôt ce matin. Le temps semble amélioré car nous apercevons quelques coins de ciel bleu. Mais nous préférons faire de la prospection pour rentrer tôt chez nous. Après un rapide petit-déjeuner, nous allons inspecter le fond de la vallée. Les paysages sont grandioses. Nous remontons un ruisseau très prometteur et repérons deux ou trois canyons potentiels à ouvrir lors de notre prochain séjour. Nous prenons le chemin du retour, mais faisons un crochet pour aller voir l’incroyable cascade de Widelsigfall. Nous passons plus de deux heures à scruter la chute de plus de quatre cents mètres que l’eau fait à travers un magnifique tube de roche. Nous émettons diverses hypothèses sur la faisabilité d’une telle course puis reprenons définitivement le chemin du retour, bien songeurs.

À découvrir en images sur :

http://picasaweb.google.com/nemo.manu/RetourALEigerwandEtCanyonDeRosenlaui

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