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156.2 - Ripple-marks en milieux souterrains lorrains

Daniel Prévot

dimanche 24 juillet 2011

Généralités sur les ripple-marks

On appelle ripple-marks (ou RM en abrégé ; au singulier on dit une ripple-mark, de l’anglais ripple : ride, et mark : marque), les ondulations parallèles qu’on peut observer sur le sable des plages des estrans (parties du littoral inondées lors des marées hautes et exondées lors des marées basses) ou en profondeur dans la mer, les lacs, voire les cours d’eau.

Ripple-marks sur la plage de Lacanau en Gironde (33), engendrées par le courant de la marée montante. L’océan s’est retiré laissant ces marques. On remarque que les crêtes de ces rides sont globalement parallèles au bord de mer. Le bord le moins incliné est du côté d’où vient le courant.

Elles peuvent être dues :

à l’action de la houle sur une plage ou une zone lagunaire : dans ce cas elles sont symétriques ; on dit encore que ce sont des rides d’oscillation. Elles ne peuvent avoir lieu qu’à relative faible profondeur, la houle étant sans effet au-delà d’une certaine profondeur. On les appelle des wave-ripple-marks (ou WRM en abrégé ; de l’anglais wave : vague).

à l’action d’un courant au fond de l’eau : elles sont alors asymétriques ; on dit que ce sont des rides de courant. Leurs crêtes sont perpendiculaires à la direction du courant ; le versant le moins pentu désigne l’amont du courant, le versant le plus pentu désigne l’aval du courant. Elles peuvent être générées en faible comme en grande profondeur en mer mais aussi en rivière. Leur genèse est très liée à la vitesse du courant : en vitesse trop faible comme en vitesse trop élevée il n’y a pas de formation de ripple-marks. On les appelle des current-ripple-marks (CRM en abrégé ; de l’anglais current : courant).

Les WRM et les CRM sont les rides les plus fréquentes des bords de mer. Il existe d’autres types de ripple-marks (les climbing-ripple-marks par exemple) dont je ne parlerai pas ici.

Des chercheurs ont mis au point des dispositifs ingénieux permettant de simuler en laboratoire des ripple-marks et en conséquence d’étudier les conditions de leur formation. Des grandeurs et indices ont alors été définis :

L1 : longueur du versant amont de la ride

L2 : longueur du versant aval de la ride

L = L1 + L2 : longueur de la ride

H : hauteur de la ride

IR = L / H : indice de la ride

IS = L1 / L2 : indice de symétrie (on a : IS ³ 1)

La comparaison avec les observations de terrain a permis d’en tirer des conclusions intéressantes.

Lorsque IS = 1, on a affaire à des rides symétriques dites d’oscillation qui ne peuvent être générées qu’à faible profondeur.

La formation de ripple-marks a toujours eu lieu au cours de l’histoire de la Terre. Elles ont souvent été recouvertes par des sédiments protecteurs et on peut aujourd’hui observer les empreintes qu’elles ont laissées dans les couches géologiques. Le terme de fossilisation étant plutôt réservé à l’ensemble des processus permettant le passage de la matière organique d’un organisme mort à une empreinte minérale, nous éviterons de parler de fossile relativement à ces marques qu’on observe aujourd’hui et qui sont de deux types :

- des rides qu’on peut observer sur certaines dalles dont le recouvrement a été dégagé soit accidentellement suite à des travaux, soit naturellement suite à une érosion,

- des moulages supérieurs ou contre-empreintes que les sédiments les recouvrant en ont réalisés et qu’on peut observer au plafond de certaines carrières souterraines lorsque l’exploitation a conduit à extraire les rides elles mêmes (c’est le cas dans les carrières souterraines de Savonnières-en-Perthois par endroit au plafond).

En vertu de l’actualisme (principe selon lequel les lois actuelles de la nature peuvent s’appliquer dans les temps anciens pour expliquer à posteriori l’évolution de la Terre, les mêmes causes produisant les mêmes effets), les processus de formation des ripple-marks actuelles peuvent s’appliquer aux empreintes minérales des ripple-marks engendrées au cours de l’histoire géologique de la Terre. On est alors en droit de projeter dans le passé les résultats des études actuelles afin de comprendre l’évolution de la Terre.

Les wave-ripple-marks de Savonnières-en-Perthois (55)

Dans les carrières souterraines de Savonnières-en-Perthois dans la Meuse, en de nombreux endroits de la bordure Est des carrières, on peut admirer au plafond de magnifiques contre-empreintes ou moulages des ripple-marks réalisées il y a quelques 140 millions d’années au dessus du socle Tithonien (appelé autrefois Portlandien), par l’océan Théthys en bordure du supercontinent Pangée. Lors de cette genèse, le monde est alors dominé par les dinosaures en pleine prospérité... Nous en avons indiqué quelques-unes (RM1, RM2, RM3 et RM4) sur le plan ci-joint des carrières.

D’une manière générale en RM1 comme en RM2 l’axe de ces rides est de 160°, ce qui indique que le continent était au sud – sud est. Quelques mesures des ces rides donnent les résultats ci-joints après la photo prise en RM2.

À l’est de la carrière aux endroits marqués RM on peut observer de magnifiques rides de houle.

Empreintes supérieures de wave-ripple-marks dégagées par l’exploitation de la pierre, dans les carrières souterraines de Savonnières-en-Perthois (55), en RM2.

Ces rides sont approximativement en moyenne de longueur L = 37,5 cm et de hauteur H = 3,5 cm. Elles sont globalement symétriques (IS voisin de 1), il s’agit donc de rides d’oscillation indiquant une relativement faible profondeur (de l’ordre du mètre, 1 ou 2 ?). En RM3, on peut observer 2 niveaux de rides, correspondant à des périodes différentes. Celles du niveau supérieur, un peu plus récentes, ont une longueur L de 5 ou 6 cm seulement. Elles sont séparées des « grandes rides » par moins de 10 cm de roche. Elles indiquent une profondeur très faible en cet endroit (quelques centimètres seulement ?).

Les current-ripple-marks du Spéléodrome de Nancy (54)

Lorsqu’on descend la rivière artificielle du Spéléodrome, après le puits de Haute-borne, on traverse la « salle de croisement » au point 3 000 (élargissement de la galerie permettant à des wagonnets de se croiser), entre le puits de la Haute borne (point 3 532) et le haut de la première rampe d’escalier (point 2 605). Dans cette salle on peut observer de magnifiques CRM en formation. C’est Yvon DROUILLET, ingénieur géologue, responsable en 2001 de la section lorraine de l’Union française de géologie, qui me l’avait fait remarquer à l’issue de sa visite enthousiasmée du Spéléodrome le 10 mars 2001 (cf. : Le P’tit Usania n°32, d’avril 2001, il y propose quelques explications de genèse).

Au sol de la « salle de croisement » au point 3 du Spéléodrome de Nancy (54), on peut observer de nombreuses current-ripple-marks en formation. Ces rides de courant sont perpendiculaires au sens du courant.

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