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221.2 - La station de Cæcosphæroma burgundum, Dollfus, 1896, de Villers-lès-Nancy (54) : premières données

Bernard Hamon, CPEPESC nationale (extrait de S.S.B. n° 413, mars 2013, CPEPESC nationale, Besançon), corrigé par la rédaction

samedi 7 janvier 2017

À plusieurs reprises, nous avons fait allusion à la station de Cæcosphæroma burgundum située dans le Spéléodrome de Villers-lès-Nancy (54) (S.S.B. n° 324, 325, 327 et 410). Des observations intéressantes nous ayant été communiquées par P. Révol (2006-2007) et D. Prévot (2012-2013), tous deux spéléologues à l’USAN (LISPEL), il nous semble pertinent de présenter un premier point sur cette station.

Bref historique sur ce milieu cavernicole (Galerie et réservoirs de Hardeval)

Le réseau souterrain est constitué d’une série de galeries et de puits creusés dans les calcaires du Bajocien à la fin du XIXe siècle par la ville de Nancy pour son approvisionnement en eau potable. Le réseau comprend deux galeries qui se rejoignent en une seule et qui drainent ainsi les eaux des nappes aquifères implantées dans le massif (figure I). Elles aboutissent à des réservoirs, tête de l’ancien réseau d’eau de distribution. Plusieurs puits foncés jusqu’en surface permettent l’accès aux galeries. Le secteur actuellement accessible part du puits de la Vierge jusqu’à l’œil de la galerie de Hardeval, soit un développement d’environ 5 km. Ce dispositif ayant été abandonné par la ville de Nancy au courant des années 30, la LISPEL en acquiert l’usage et crée en 1991 un espace d’entraînement spéléologique : le Spéléodrome de Nancy.

Géologie

Le milieu est implanté dans les côtes du Dogger, sur la rive gauche de la Meurthe. Le point haut de la cuesta sur le plateau de Haye se situe à 350 m et la vallée est à la cote 230. Dans ce massif calcaire du Secondaire s’alternent une série d’horizons calcaires et d’écrans imperméables marno-argileux déterminant une suite d’aquifères. Se succèdent ainsi, depuis le plateau jusqu’en vallée : les calcaires à Clypeus ploti, les marnes à Homomyes, l’oolithe miliaire inférieure (Bâlin), les marnes de Longwy, les calcaires du Bajocien moyen et inférieur (Polypiers), les marnes micacées, les calcaires ferrifères du toarco-aalénien, les argiles du Toarcien (N.D.L.R. : voir « Série stratigraphique du Trias au Jurassique - Lorraine », Guides d’utilisation des matériaux lorrains en technique routière - Guide calcaire, Direction territoriale Est, Cerema, Metz, 2010, p. 5).

Figure I : Schéma général du Spéléodrome (source : USAN, 2008)

Les flèches indiquent le sens d’écoulement de l’eau.

Les numéros indiquent les points d’observation de Cæcosphæroma par les Spéléologues.

L’eau pénètre dans le karst, y descend, alimente les aquifères par les failles et fissures de l’endokarst ou au niveau des queues de strates qui affleurent en cuesta. Les trop-pleins alimentent les émergences de pente (sources franches ou écoulements sous la colluvion) ou sont collectés par le système de drainage interne créé par les travaux hydrauliques ou miniers qui ont modifié les circulations d’eau et la structure des aquifères originels.

Cæcosphæroma burgundum dans le site

Dès la création du Spéléodrome en 1991, les spéléologues observent la présence de Cæcosphæroma dans le site (com. pers. D. Prévot du 15/08/2012). C’est en 2006 que P. Révol y prélève deux individus qu’il nous transmet le 28/04/2007. Adressés le 15/05/2007 au professeur J.-P. Henry de l’université de Dijon, ils sont authentifiés comme Cæcosphæroma burgundum burgundum (in litt., J.-P. Henry du 29/05/2007).

La station n’a pas encore fait l’objet d’un suivi scientifique détaillé bien qu’un projet avancé dès 2006 le prévoyait (environnement géologique, hydraulique, débits d’eau, analyses, températures...). Les seules observations ponctuelles des spéléologues permettent néanmoins une première vision de l’occupation du milieu souterrain par cet isopode.

· Les premiers crustacés sont observés dans le puits de Clairlieu même, « dans une petite galerie naturelle creusée dans la roche bajocienne, à une quinzaine de mètres sous la surface » (in litt., D. Prévot du 20/02/2013) (Point 1, figure I) ; le trop-plein de l’eau s’écoule dans le puits.

· À la base du puits - dans la galerie - se trouve le deuxième endroit (Point 2) ; des crustacés vivent « dans une vasque artificielle » (source : D. Prévot, idem) ; ce point est d’ailleurs très proche de celui dans lequel P. Révol récolta en 2006 ses deux spécimens : ce dernier est implanté dans la « haute du puits de Clairlieu vers ‑20 m » (in litt., P. Révol du 28/04/2007) (Point 3).

· Le quatrième point d’observation est « une vasque située dans la galerie de Hardeval creusée dans l’Aalénien, un peu avant le puits Saint-Julien, alimentée par une source » (source : D. Prévot, idem) (Point 4).

· Le cinquième point est situé dans les « réservoirs, à l’œil de la galerie, alimentés par la galerie de Hardeval » (source : D. Prévot, idem) (Point 5). Ces réservoirs, réceptacles de l’eau du réseau, ont 4 à 5 m de profondeur et ne sont accessibles qu’en plongée. C’est un plongeur qui a ainsi pu dénombrer entre 20 à 30 Cæcosphæroma vivants dans le fond de ces bassins (com. pers. D. Prévot du 21/08/2012).

Il apparaît que l’aquifère originel occupé par l’espèce se situe à une quinzaine de mètres de profondeur par rapport à l’ouverture du puits de Clairlieu (cote 325), soit au niveau 310 qui correspondrait à l’oolithe miliaire. Par surverse de la nappe et par dérive ; les crustacés tombent vers les niveaux bas, les galeries drainantes. Cæcosphæroma a donc pu ainsi s’étendre vers d’autres horizons géologiques et conquérir de nouveaux espaces, depuis la galerie de Hardeval jusqu’aux réservoirs.

Le dénivelé est de 60 m ± 5 m pour une dispersion de 2 à 2,5 km. La population totale de ces isopodes ne peut qu’être difficilement estimée mais la population globale observable cumulée - à vue et en plongée - se situe à une cinquantaine d’individus. Rappelons enfin que, comme dans d’autres milieux karstiques lorrains, Cæcosphæroma burgundum partage son habitat avec Niphargus virei. Tel est le cas à Gorze (57), Mont-Saint-Martin (54), Mercy-le-Bas (54) ou encore Moyeuvre-Grande / Montois-la-Montagne (57).

Figure II : Villers-lès-Nancy. Cæcosphæroma burgundum. Clichés de Christophe Prévot (LISPEL)

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