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242.1 - Il était une fois : les Branques ! (première partie)

Théo Prévot

dimanche 21 octobre 2018

Depuis le temps que j’entends parler du Berger il fallait que j’y aille, mais je ne voulais pas y aller en simple touriste et c’est ainsi que m’est venu l’idée de le déséquiper. Après tant de mois à faire des plans sur la comète et de préparer le camp nous voici enfin au jour J...

Samedi 18 août, il est environ 16 h quand nous arrivons au camping Les Buissonnets situé non loin de Grenoble, sur la commune de Méaudre. Nous ne sommes pour l’instant que quatre (Olivier Deck, Sabine Véjux, Jean‑Luc Clesse et moi) mais cela ne va pas durer bien longtemps car dès ce soir Pascal Odinot doit nous rejoindre suivi de Dimitri Laurent puis Fabien Vigier (Spéléo-club des oreillards, Loire) qui doivent quant à eux arriver demain après-midi. Une fois les affaires posées et la paperasse réglée, nous décidons d’aller jeter un œil au barnum de Rémy, haut lieu stratégique durant le camp Berger. À notre arrivée nous faisons la connaissance de plusieurs Espagnols qui ont visiblement passé la semaine ici. On constate en effet sur la liste des participants qu’il en vient d’un peu partout (États-Unis, Allemagne, Espagne, Pologne, etc.). Arrive alors une tête connue et qui plus est un ancien Usanien... David. Il nous explique que les autres sont en balade mais qu’ils seront là ce soir et que lui devra partir demain car il reprend le boulot. L’heure tourne et nous avions prévu de faire quelques courses pour la semaine donc nous lui demandons où est le supermarché le plus proche et décidons de repasser le soir pour voir un peu comment va se dérouler la semaine ! À la suite de la soirée je prends un peu mieux conscience du projet que nous devons réaliser et me rends compte que la semaine sera sûrement différente de ce que je prévoyais... En effet, Florian ne sera pas de la partie et les nombreuses personnes venues pour déséquiper ne sont autres que Théo et Raphaël, deux spéléos aguerris qui connaissent le Berger sur le bout des doigts. Malgré cela je commence vraiment à avoir des doutes sur notre équipe qui, on doit bien le reconnaître, risque de ne pas tenir la route pour déséquiper le mythique gouffre Berger.

Dimanche matin, alors que le camping commence à se réveiller, notre petite équipe émerge à son tour et commence à parler de la journée qui semble être la dernière chance de se reposer avant la date fatidique. Il est donc décidé de monter nos affaires à l’entrée du gouffre afin de prendre connaissance du trajet à parcourir et de s’alléger un peu pour le lendemain. Après une bonne heure de randonnée nous voici enfin arrivés... Cette fois pas de doline monstrueuse ni de porche gigantesque, eh ben... on peut dire que le Berger ne paye pas de mine au premier abord ! Nous déposons donc nos sacs et déballons nos casse-croûte. Une fois terminés, nous suivons les rubalises qui nous mènent après une dizaine de minutes au puits Marry (seconde entrée du Berger), trou où nous pensons faire un tour dans la semaine vu qu’il est lui aussi équipé, mais ça c’était avant d’avoir mis les pieds dans le Berger ! Sur le trajet du retour nous décidons d’emprunter un chemin différent car il semblerait que nous ne soyons pas passés par le plus court à l’aller et, je le rappelle, nous sommes là pour repérer la marche d’approche de demain. Donc il serait quand même bien d’avoir la bonne pour ne pas tourner en rond. Cette fois c’est la bonne ! Nous arrivons à la voiture en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, enfin façon de parler car il faut quand même quarante-cinq bonnes minutes pour rejoindre le parking.

De retour au bungalow nous retrouvons Fabien qui a eu le temps de planter sa tente en nous attendant et prenons alors un apéro, ce dernier faisant alors arriver Dimitri. C’est bon... l’équipe est au complet, les choses sérieuses vont donc pouvoir commencer ! Mais avant cela on va essayer de passer une bonne nuit de repos. En effet c’est un peu plus dur pour ce qui est de s’endormir car je n’arrête pas de cogiter sur le déséquipement qui me semble de plus en plus tendu et le lave-vaisselle situé dans la cuisine n’arrange pas vraiment les choses.

À la suite d’une courte nuit d’environ 5 h pour ma part, mais blanche pour certains, nous nous levons ce lundi déterminés à taper le fond de ce fichu trou. Après la demi-heure de route et l’heure de marche d’approche nous commençons à nous équiper et entrons dans les entrailles du lapiaz vers 7 h 15.

Nous enchaînons rapidement les premiers puits et arrivons sur le puits du Cairn haut de 24 m ; Pascal est devant moi et éclaire à merveille le volume qui se trouve à la base du puits grâce aux 3 000 lumens que génère la lampe Méandre Technologie qui nous a été prêtée pour l’occasion. À peine une demi-heure sous terre et nous voilà déjà surpris par la beauté des lieux. Une fois en bas du puits et après avoir pris quelques photos dans la salle du Cairn nous nous enfilons dans le célèbre méandre, méandre qui aura fait parler de lui car j’ai souvent entendu dire qu’il était plutôt redoutable et ce surtout à la remontée avec la fatigue dans les jambes. Pour l’instant la fatigue n’étant pas là et je ne peux pas vraiment dire qu’il s’agisse d’un méandre technique comme j’ai pu en rencontrer sur d’autres sorties.

Un deuxième méandre nous conduit alors sur de jolis petits puits et enfin sur le puits Aldo (P41). Jusqu’à présent les cordes que nous avons croisées ne sont pas en superbe état bien qu’elles aient déjà été changées trois fois durant le camp qui a commencé il y a un peu moins d’un mois. Il faut dire aussi que 400 personnes avec chacune une façon plus ou moins bonne de descendre sur les cordes ça use le matériel assez rapidement. Nous voici arrivés en haut de la Grande Galerie, nous sommes à la cote ‑240 et l’aventure ne fait que commencer ! Nous apercevons enfin des cordes sur le côté de la paroi et comprenons que nous sommes au lac Cadoux. Heureusement d’ailleurs car on ne peut pas dire que c’est avec l’eau qu’il y a qu’on l’aurait deviné. Alors que nous venons de descendre plusieurs cascades (cascade du Petit Général, ressaut du Fil de Fer, cascade de la Tyrolienne) nos lampes pourtant si puissantes nous paraissent un peu faiblardes face à l’imposant éboulis qui se trouve face à nous. Je n’avais jamais vu un tel volume, c’est comme si nous étions en train de faire une balade en montagne mais en pleine nuit. 150 mètres de dénivelé plus tard et maintenant plus de 4 h sous terre nous laissons Sabine et Jean‑Luc au niveau de la salle des 13 où nous venons une fois de plus de faire quelques photos.

Nous attaquons maintenant la partie sérieuse du gouffre. En effet l’eau est plus que présente rendant la communication parfois difficile et les mains courantes et divers rappels guidés permettant d’éviter l’eau nous font passer de ‑600 à ‑740 relativement rapidement mais nous comprenons aussi que la remontée à la surface va commencer à être longue. Arrivés au sommet du Grand Canyon nous apercevons deux lampes qui arrivent rapidement vers nous : ce sont Théo et Raphaël, venus pour nous aider à remonter des kits, qui arrivent déjà... Nous leurs demandons alors depuis combien de temps ils sont sous terre, réponse : Euh... environ 1 h 30 pourquoi ? Ben parce que nous ça fait maintenant 6 h... Vous comprenez donc bien que nous ne jouons pas dans la même cour. Ils nous expliquent qu’il nous reste environ 2 h pour atteindre le fond et repartent de plus belle dans une pente glaiseuse et raide qui nous prendra 20 minutes supplémentaires pour descendre.

Une fois à la salle des Huit nous retrouvons nos deux fusées en train de manger et continuons notre exploration qui nous mène maintenant vers la zone des ‑900. Le temps d’admirer le puits Gaché et la Grande Cascade haute de 27 m qui génère un grondement énorme dû à l’eau qui se jette violemment dans les rochers situés à sa base, le spectacle vaut vraiment le détour. On commencerait presque à en voir le fond, un cours passage à quatre pattes nous permet alors d’éviter la Baignoire qui, à première vue, porte bien son nom et nous mène peu après sur la Vire-Tu-Oses. Ça y est, le moment fatidique approche à grand pas, on va enfin passer la barre des ‑1 000 ! En effet, après un petit bout de main courante me voici au sommet du puits de l’Ouragan, encore plus imposant et magique que ce que nous avons vu jusqu’à présent ! J’arrive alors au fractionnement et me dis que je suis enfin à ‑1 000. Bien sûr à ce moment-là on ne pense pas à la remontée qui va être longue et fastidieuse. Je rejoins ensuite Olivier qui est déjà en bas depuis peu et nous partons vers ‑1 100 avant que tout le monde soit en bas pour éviter les bouchons à la remontée. Rien de bien compliqué, nous crapahutons dans les blocs et arrivons après une dizaine de minutes sur une superbe cascade (17 m) qui se jette dans le collecteur : pas de doute nous voici arrivés à l’affluent ‑1 000 qui jonctionne avec le gouffre de la Fromagère. Nous continuons un peu dans la galerie mais rebroussons rapidement chemin car il faut se tremper intégralement dans l’eau qui avoisine les 10°C si nous voulons continuer.

C’était de toute façon l’arrêt prévu car être trempé ici n’est pas la meilleure chose que nous ferions au vu du temps qu’il nous reste pour remonter et déséquiper jusqu’à ‑600. Je vois alors avec Théo et Raphaël comment on va s’organiser pour le déséquipement. Ils vont donc remonter en dernier et dès qu’ils auront chacun un kit plein ils traceront devant nous et je reprendrais le déséquipement. Tout le monde ayant vu l’affluent ‑1 000 nous remontons. Bien que je n’aie pas trouvé que nous étions rapides pour descendre nous aurons mis environ 7 h 30 pour toucher le fond (comme quoi les branques ne sont pas si mauvais). La remontée se fait plutôt rapidement quand soudain je me dis que les kits derrière vont commencer à être bien pleins. Je m’arrête donc et dis à Pascal d’attendre un peu car je pense que je vais devoir reprendre le déséquipement. 5 minutes s’écoulent avant de revoir les lampes de nos deux amis. On a bien fait d’attendre un peu parce qu’en effet ils ont deux beaux bébés avec eux et malheureusement ils ne sont pas autonomes... Nous les laissons passer et remontons à notre tour.

Première tête de puits que je déséquipe : bon on est sympa on va démonter les nœuds des Dyneemas pour les récupérer entières... 5 minutes après avoir bataillé à bout de bras pour enlever les Dyneemas mais en vain : font chier avec leurs Dyneemas... je vais tout couper avec mon couteau et on en parlera plus !

La corde est bien raide et n’est pas motivée pour retourner dans le kit ! Je tasse bien le tout mais je me retrouve rapidement avec un kit plein. Pascal ayant déjà un kit cependant moins lourd nous inversons nos deux kits pour que je puisse continuer de déséquiper avec un troisième kit qui est alors vide. Nous retrouvons peu de temps après le reste de l’équipe qui nous attend bien emmitouflée dans des couvertures de survie. Une fois la répartition des kits faite, nous reprenons notre ascension vers la sortie et elle ne va pas être des plus aisée car nous remontons la Grand Canyon. J’ai l’impression qu’il n’en finit pas... C’est incroyable comment on peut oublier la descente tellement il y a d’obstacles avant d’arriver au fond. Une fois arrivé en haut, Olivier reprend le déséquipement. Je suis juste devant car je sais que son kit ne va pas tarder à être plein en vue des cascades que nous remontons. Le réseau des Cascades passé (avec un rappel bien humide pour certains...), nous attaquons alors les Coufinades et je dois reconnaître que j’ai plutôt hâte d’en sortir car le bruit assourdissant de l’eau commence à devenir carrément chiant ! Un peu d’oppo de temps à autres pour éviter l’eau quand soudain je vois le kit de Pascal qui est alors devant couler au fond d’une marmite. Bien sûr il est encore attaché mais je rigole déjà car au même moment Pascal est en train de se hisser pour franchir une marche un peu haute.

Moi : Pascal, ton kit est plein d’eau. Redescends, tu vas être comme un con...

Lui : Mais nan t’inquiète, il y a un bidon dedans, le kit flotte (il n’avait pas encore vu la situation).

Moi : Bon soit, mais ça me paraît quand même chaud !

Il continua alors sa progression qui fut vite arrêtée, il faut dire qu’un kit rempli d’eau c’est une véritable ancre. Je lui dis donc de le décrocher et que je lui redonnerais après parce que je vois bien que ce n’est pas le meilleur endroit pour faire demi-tour. Je lui dois bien ça parce qu’il m’a bien aidé avant quand je déséquipais. Une fois les Coufinades terminées je me réjouis déjà d’être enfin au bivouac. En fait ce n’est pas encore tout à fait ça ! On est encore à ‑600 il nous reste donc 100 mètres de dénivelé avant de pouvoir souffler et là... gros coup de barre... J’ai l’impression qu’on n’y arrivera pas... La marche est interminable, on passe dans les blocs, à droite, à gauche, il y a même des passages dont je ne me souviens absolument pas. Heureusement Pascal, qui a activé le mode « tortue », me dit qu’on est bientôt au bivouac et que chaque pas supplémentaire nous rapproche un peu plus. En effet nous y voici. Une erreur cruciale est alors commise : rentrer dans le point chaud, qu’est-ce qu’on est bien là-dedans. On mange alors notre premier vrai repas (ça change des barres) les plats tout préparés que nous avions achetés sont vraiment bien appréciables et redonnent du moral et de l’énergie à toute l’équipe qui n’est maintenant plus du tout motivée pour sortir du bivouac. Après un café bien chaud nous finissons par sortir nos têtes et réalisons qu’il y a quand même pas mal de kits à remonter mais ça on verra un autre jour. Notre mission de déséquiper jusqu’à ‑600 étant accomplie on peut maintenant ressortir un peu plus cool et tranquillement car les heures défilent rapidement et cela fait bientôt 19 h que nous sommes sous terre (là c’est certain les compteurs de profondeur et de T.P.S.T. seront complètement explosés une fois dehors). Le Grand Éboulis me paraît interminable, je ne me sens pas fatigué physiquement, en revanche je trouve ça dur moralement et je commence même à filer le cafard à Dimitri et Pascal à qui je n’arrête pas de répéter qu’il n’y a pas de fin. Alors que je n’y croyais plus le miracle se produit ! Enfin les cordes... Ouf, là c’est bon on y est presque. Le moral remonte alors d’un coup quand, lors de la remontée du puits Aldo qui passe assez bien contrairement à ce que l’on pensait, le premier méandre passé comme une fleur nous remontons le puits Garby et entamons alors le deuxième méandre. Étant chaud-patate je récupère un second kit afin que Pascal et Dimitri passent plus aisément. Maintenant on n’est plus qu’à ‑80 : ce n’est ni plus ni moins que la Sonnette donc on ne va pas commencer à faire les difficiles, on remonte alors tranquillement ce qui nous reste et j’aperçois assez rapidement la sortie et suis aussitôt dehors.

Comme prévu record battu : 23 h sous terre, ‑1 100. Ça va commencer à devenir dur de faire plus... On se change alors au coin du petit feu qu’ont réalisé Olivier et Fabien, mangeons un peu ce qui reste, buvons et direction la voiture car on n’est pas encore à la voiture. Le chemin est rude et la petite montée de la fin et vraiment appréciable... Après une petite heure nous arrivons enfin à la voiture où nous faisons la rencontre d’un Usanien (Marc Gapp). La voiture étant pleine à bloc nous rentrons maintenant au camping où Sabine et Jean‑Luc nous attendent. Pour résumer un peu notre sortie, le Berger c’est vraiment un gouffre mythique et je sais maintenant pourquoi. C’est vrai qu’il y a une grosse différence entre le ‑600 et le ‑1 100 mais il n’y a vraiment aucune difficulté technique dans la progression. En revanche il faut bien être conscient de l’engagement du trou au niveau de l’endurance mais ça m’aura permis de voir que je peux taper un peu dans les tours et qu’il y a un bon noyau pour nos futures sorties.

La semaine aurait pu se terminer là, mais bien sûr il reste encore quatre kits à ‑500 et environ 400 m de cordes à déséquiper... mais pour le moment on va se reposer pour être en pleine forme demain tandis que Dimitri fait une petite sieste avant son départ.

À suivre le mois prochain...

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