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271.1 - Du plan A, au plan B au plan Orsec : Un Nouvel An en Chartreuse, 1re partie

Olivier Gradot

vendredi 26 février 2021

Participants : Pascal O., Olivier D., Théo P., Olivier G. et Thomas B. de l’Usan & Fabien M. du GSBR

Dimanche 27 décembre 2020 : il est 18 h quand nous nous connectons en visio-conférence afin de planifier les derniers détails de notre sortie de fin d’année. Le plan A est d’aller au gouffre Jean-Bernard par l’entrée V4bis avec objectif de bivouaquer à ‑500 m. Nous avions au départ prévu d’équiper le gouffre et se posait alors la question du portage. Les plus optimistes proposaient de se passer d’un hélicoptère et les plus réalistes insistaient pour utiliser cette solution. Au final il y a quelques jours de cela, Théo a appris des Vulcains que le gouffre était entièrement équipé. Ceci réduit fortement notre portage et, au lieu de 600 m de cordes, il suffira de prendre quelques bouts de nouille pour équiper les éventuels passages que certains ne se sentiraient pas de passer sans corde. Comme la montée au V4bis est sujette au risque Avalanche, Théo a planifié un plan B. Si le JB n’est pas faisable nous irons en Chartreuse sur le plateau de l’Alpette. Il y aura là-bas de quoi s’occuper et de quoi profiter de la neige sans risque d’avalanche. Nous faisons le bilan du matériel nécessaire : sac de couchage mini ‑5 °C, matelas gonflable compact, bâtons de randonnée, raquettes, crampons à glace, pelles à neige, trousse de pharmacie, quantité de réchauds et bonbonnes de gaz nécessaires, liste des courses alimentaires à faire, équipement neige et spéléo, etc. Nous nous donnons RdV pour les dernières courses alimentaires et équipement le jour suivant puis nous nous donnons comme date limite le 29 décembre 16 h pour décider quel plan sera choisi...

Mardi 29 décembre 2020 : la météo annonce un risque Avalanche supérieur à 3… La montée au V4bis n’est pas impossible mais reste engagée. Comme nous n’avons pas suffisamment d’Arva pour équiper tout le monde nous décidons de ne pas prendre de risque et choisissons donc le plan B. Nous avons hier préparé tout le matériel au local et fait les dernières courses. Nous avons aussi décidé du programme suivant : le 30 départ de Nancy au plus tôt, route vers le parking de la Plagne, montée au chalet de l’Alpette via le col du même nom pour y passer la nuit. Le 31 nous rejoindrons la grotte Ignorée (réseau de l’Alpe) pour y passer la nuit du réveillon. Le premier de l’an nous partirons de la grotte Ignorée vers le gouffre du Grand glacier puis rejoindrons la cabane de l’Alpette où nous dormirons avant de repartir le lendemain vers le parking de la Plagne et de rejoindre Nancy.

Théo me rejoint en début de soirée, nous passons la soirée à regarder quelques vidéos relatives à la construction d’igloo et comprenons vite qu’un igloo pour six personnes n’est pas un jeu d’enfant à réaliser ! Mais l’idée d’apprendre à en construire reste dans notre liste des choses à faire dans le futur.

Mercredi 30 décembre 2020 : il est 6 h 30 quand Théo et moi arrivons au local Usan. Olivier Deck arrive en même temps que nous et nous sommes rapidement rejoints par Thomas, Fabien et Pascal. Nous chargeons nos sacs Sherpas et autres clés de portage. Nous ne savons pas encore comment se fera la montée mais une chose est sûre : malgré le soin apporté à la sélection du matériel les sacs ne seront pas légers. Une heure plus tard, après avoir vérifié que nous avons bien tous l’équipement nécessaire à notre sortie, nous nous séparons en deux voitures et roulons vers le massif de la Chartreuse, mon groupe faisant un détour par mon appartement où nous avons oublié un ingrédient jugé essentiel à la sortie : le foie gras que la maman de Théo nous a gentiment préparé pour le réveillon.

La route se passe sans encombre, nous arrivons au parking de la Plagne aux alentours de 14 h et malgré quelques petites averses de neige nous n’avons pas eu besoin de mettre les chaînes. Nous nous changeons, répartissons les quelques restes de victuailles entre nos sacs respectifs, Fabien nous fait goutter un peu de la bière « La clé de 13 » qu’il a brassé lui-même et une fois tout le monde transformé en sherpas nous attaquons la montée vers le col de l’Alpette. Malgré une neige tassée sur le chemin, la plupart d’entre nous décide de chausser rapidement les raquettes ne serait-ce que pour réduire le poids sur les épaules. En effet la montée avec notre chargement change radicalement de celle de l’été dernier. En tout cas nous n’aurons pas eu froid mais plutôt l’inverse. L’arrivée au col est la bienvenue ! Un peu de descente calmera les mollets et le petit vent présent sur le col nous rafraichira agréablement.

À notre arrivée au chalet nous trouvons un petit groupe de skieurs avec qui nous passerons la soirée. Comme nous voulions tester notre matériel de sommeil en condition froide, Théo, Pascal et moi décidons de ne pas dormir à l’intérieur du refuge et installons notre couchage dans la zone de stockage de bois du chalet, cette dernière est ouverte sur l’extérieur mais reste sous abri nous pourrons ainsi « profiter » du froid mais tout en restant protégé et donc sans besoin d’utiliser une tente. La soirée se passe en musique, certains nous chantent de vieilles chansons traditionnelles, nous savourons quelques bières que nous avons eu le courage de monter et des nouilles coréennes sévèrement pimentées qui, en plus de nous brûler le gosier, teinteront d’un joli rouge sanguin ma veste.

Théo, Pascal et moi allons nous coucher tôt vers 21 h et une fois dans nos sacs nous sommes agréablement surpris d’y être au chaud au bout de seulement quelques minutes, le sommeil viendra vite dans le silence de la montagne enneigée.

Jeudi 31 décembre 2020 : il est 6 h quand je réveille mes compagnons de nuitée hivernale. Nous avons tous les trois passé une très bonne nuit ! Perso un petit moment moins chaud que les autres aux alentours des 3‑4 h du matin mais globalement je suis super content de mon sac de couchage. Nous aurions bien aimé connaître les températures minimales de la nuit mais vu comment nos bouteilles ont gelé à côté de nos oreillers gonflables il est au moins certains que nous avons bien passé la barre des 0 °C et nous estimons avoir dormi dans un bon ‑5 °C, sinon plus bas. Nous replions nos couchages et retrouvons les autres dans le refuge. Nous faisons fondre de la neige pour préparer notre café et remplir nos gourdes. Une fois le petit-déjeuner pris nous ne traînons pas, nous nous équipons, saluons le groupe de skieurs et commençons notre chemin vers la grotte Ignorée.

Il ne nous faut que quelques minutes pour nous réchauffer, nous parcourons les bois de sapins recouverts d’une généreuse couche de poudreuse, c’est magnifique ! Un vrai régal pour les yeux et l’esprit après presque deux mois sans pouvoir nous retrouver et organiser de sortie.

À la sortie des bois nous faisons une petite pause « gingembre confit » qui réveillera le débat sur l’aspect aphrodisiaque de cet aliment, en tout cas aphrodisiaque ou pas ce truc donne soif et nos réserves d’eau baissent à vue d’œil. Nous vérifions notre chemin sur le GPS de Pascal ; les coordonnées des entrées des trous nous les avons trouvées sur le site du CDS 73 (que nous remercions d’ailleurs pour la mise à disposition de ces précieuses informations). Nous ne sommes plus très loin alors nous commençons à nous déporter doucement vers la droite et faisons une nouvelle fois une halte en bas de l’endroit que je reconnais pour y avoir été cet été. En effet, la particularité de la grotte Ignorée est d’avoir la deuxième plus grande salle du massif de la Chartreuse, et dans cette dernière on peut y admirer un magnifique miroir de faille blanc ponctuellement parcouru de belles coulées orange. Ce miroir est aussi en partie visible depuis la surface.

Théo nous fait fondre de la neige et nous prépare un café, nous avalons quelques barres de céréales puis décidons de laisser nos sacs ici et de ne prendre que nos pelles à neige et une sonde afin de commencer par trouver l’entrée du trou. Nous montons dans la pente, et après quelques glissades et hésitations nous trouvons une zone pouvant potentiellement être l’entrée de la cavité, je jette un œil à cette dernière et la reconnais : yes ! C’est là ! Pour en être certains nous dégageons la neige du rocher sur notre gauche et dévoilons un « 128 » écrit à la peinture rouge, pas de doute possible c’est bien là, et l’entrée qui se situe à notre droite n’est pas bloquée par la neige. Il faudra cependant creuser quelques marches dans la neige et installer une corde pour en faciliter l’accès. C’est Théo qui se colle à la tâche pour essayer sa toute nouvelle pelle à neige et une fois l’accès à l’entrée aménagé nous retournons chercher nos affaires.

La montée chargée est plus artistique que la première, et après quelques figures de style nous sommes tous en haut. Nous laissons nos bâtons et raquettes à l’extérieur et admirons le panorama qui vient de se dégager, un rond de soleil nous offre une superbe vue sur le massif de Belledonne, je prends ma dernière photo en extérieur de l’année puis nous rentrons sous terre après avoir rempli deux kits de neige bien blanche qui seront notre réserve d’eau pour la soirée et le lendemain.

L’accès à la grande salle de la grotte Ignorée est très facile, les seuls obstacles pour y pénétrer sont un petit ressaut de quelques mètres qui se désescalade facilement puis un P10. Nous nous équipons et Théo part installer sa nouvelle corde Béal Backup Line 5 mm sur le puits. Une fois en bas du puits nous faisons descendre nos sacs puis descendons tous le puits, la corde de 5 mm nous imposant de faire des doubles S dans nos descendeurs et avec cette configuration la descente est semblable à une descente classique sur de la 8 mm. L’accueil en bas du puits est plutôt sympathique, nous attendent ici de superbes stalagmites de glace parfaitement translucides, des draperies et concrétions de glace ornent l’entrée de la salle, c’est vraiment beau, mais cependant malgré le fait d’avoir plus chaud qu’à l’extérieur cela nous indique aussi qu’il fait moins que 0 °C dans la salle. Nous avons bien fait de rester chaudement habillés !

À la base j’imaginais que nous pourrions installer notre bivouac dans l’entrée de la salle mais la seule zone « pseudo-plate » est parsemée de stalagmites et le sol couvert de cailloux anguleux ne donne pas envie. Nous décidons donc de parcourir cette superbe salle pour la visiter de fond en comble et décider de l’endroit où nous passerons la dernière nuit de l’année. Nous descendons l’éboulis et tous admirent le superbe miroir de faille, le jour est encore un peu visible par le trou qui donne à l‘extérieur et que l’on voit depuis le bas de la salle. Le tour complet de la salle nous prend une bonne heure.

Au final trois zones sont candidates pour installer notre bivouac et c’est celle en bas à droite de la salle qui sera choisie, le sol y est aussi caillouteux mais il y a une zone relativement sèche et plate qui devrait permettre de passer une nuit correcte. Nous y descendons nos affaires et en même temps que nous faisons fondre de la neige pour remplir nos réserves d’eau, nous installons notre couchage. Vu le sol il va falloir protéger nos matelas gonflables sous peine de les percer. Nous commençons par enlever les cailloux les plus pointus, installons trois couvertures de survies épaisses, recouvrons ces dernières avec nos kits et combinaisons puis installons matelas et duvets. Il est 18 h quand ceci est fini et nous décidons de prendre l’apéro qui commencera par un petit bouchon d’élixir de Chartreuse qui réchauffera les gosiers. Nous finissons ensuite les quatre dernières bières en notre possession (les sacs n’en seront que plus légers !), nous dégustons quelques cuillères de « Duo de Palourdes ondulées et coques au Yuzu et piment Jalapeno » puis dégustons le foie gras de canard que nous a préparé la maman de Théo : un régal ! Et suffisamment généreux pour que chacun en prenne trois belles tranches ! Nous pensons le luxe fini pour le dîner mais non... Pascal nous surprend en sortant une petite boîte de caviar ! Eh bien ! Non seulement nous pensons être les premiers à dormir dans la grotte Ignorée pour un réveillon mais nous sommes sûrement aussi les premiers à y déguster foie gras et caviar !

En plat de résistance nous nous préparons des plats lyophilisés. Au choix : « Aligot » ou « Hachis parmentier ». Ayant déjà testé le hachis parmentier avec Théo en janvier dernier à la Combes-aux-Prêtres je choisis l’aligot : résultat des courses, je préfère le hachis parmentier et finalement les nouilles asiatiques et les soupes en poudre sont clairement des alternatives plus rentables et finalement meilleures en bouche. Nous continuons notre soirée sous nos ponchos et sirotons quelques verres de Chartreuse, de mirabelle, de whisky tourbé ou de rhum vanille, le tout mis avant le départ dans de petites bouteilles en plastique et, vers 21 h 30, nous allons rejoindre nos duvets avec pour consigne de se souhaiter la bonne année au réveil et de bien prendre garde en se levant pour ne pas se cogner la tête contre la paroi rocheuse toute proche. Au revoir 2020 ! Et bon débarras diront certains !

Vendredi premier janvier 2021 : nous avions planifié de nous réveiller vers 6 h mais nous étions tellement bien dans nos cocons que ce n’est qu’à 8 h que nous nous sommes levés et que les « bonne année » ont résonné dans la grotte ignorée. Le froid s’est vite fait sentir en sortant de nos duvets et nous nous sommes vite rhabillés avant de faire fondre de la neige pour le café du matin. Au final sur les deux kits remplis de neige il n’en restera qu’une moitié, nous avions vu juste. Les verres de café sont les bienvenues et une fois tous réchauffés nous replions notre campement et repartons vers le P10 que nous remontons en prenant soin de ne pas casser les concrétions de glace. Nous sortons pendant que Théo récupère la corde. La descente avec nos gros sacs est plutôt laborieuse, à plusieurs reprises nous sommes emportés dans la pente et faisons quelques apnées dans la poudreuse.

Nous entamons ensuite notre chemin en direction du gouffre du Grand glacier. Deux choix se posent à nous : soit rester à la même altitude et tenter de faire notre trace le plus possible en ligne droite vers le gouffre, soit redescendre au niveau du GR puis remonter. Nous décidons de tenter la solution une. Ce n’était peut-être pas la meilleure idée car ceci nous a fait passer dans des zones très karstifiées où la présence de crevasses et gouffres recouverts de neige pouvait rendre le cheminement dangereux. À plusieurs reprises il a fallu faire quelques bonds (ce qui n’est pas forcément aisé avec de gros sacs) pour éviter de mauvaises surprises mais le parcours dans la poudreuse vierge au milieu des sapins était un régal pour les yeux et descendre les zones les plus pentues en se laissant glisser était bien agréable aussi moyennant parfois une aide pour relever les plus chargés d’entre nous.

Il est environ midi quand nous arrivons au niveau de la zone où se trouvent les différentes entrées du gouffre du Grand glacier. Thomas, Olivier D. et Fabien vont voir le haut de la falaise et Théo, Pascal et moi regardons vers le fond de la combe. De souvenir par rapport aux vidéos et photos regardées avant notre départ, c’est nous qui sommes dans le bon coin... Rapidement Théo et Pascal confirment que c’est dans le coin mais que l’accès doit se faire un peu plus loin car de ce côté il est un peu olé-olé. Le groupe se reforme et nous avançons vers le fond de la combe.

Je précède Pascal dans une petite descente et tout à coup j’entends ce dernier poussé un « aouw » de douleur, je me retourne et le vois à terre avec un pied coincé par une de ses raquettes prise dans la neige.

« J’ai senti un sacré craquement » me dit-il. Nous l’aidons à se relever et malgré le fait que sa cheville soit encore chaude il a du mal à marcher. Nous décidons de nous poser quelques minutes pour voir comment ça ira. Théo part rechercher Fabien et Olivier D. qui étaient partis vers l’entrée du gouffre. Je donne un comprimé de Voltarène à Pascal et ce dernier me dit que de toute façon pour la descente au Grand glacier ce n’est pas possible et qu’il va déjà falloir qu’il réussisse à revenir aux voitures. Il se propose de repartir seul, ce que nous refusons catégoriquement, puis suggère que l’un d’entre nous l’accompagne et que les autres aillent dans le gouffre...


Le groupe va-t-il se séparer ? Pascal survivra-t-il à ses blessures ? Sera-t-il le prochain Ötzi  ? Vous le saurez le mois prochain en lisant « Du plan A, au plan B au plan Orsec : Un Nouvel An en Chartreuse, suite et fin » !

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