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283.1 - Du plan A, au plan B au Plan Orsec : un nouvel an en Chartreuse « bis » (édition 2022)

Olivier Gradot

samedi 12 mars 2022, par Bertrand Maujean

On ne prend pas tout à fait les mêmes mais on recommence !!!

Participants : Théo P., Honorin P., Aldric B., Maud R. et Olivier G.

Le nouvel an 2022 approche… Le plan A c’était de faire la « traversée du Verneau » et passer les nuits en gîte douillet. Un redoux « super Greta Thunberg » annonce autour de 15°C pour le 30 décembre, toute la neige fond, tout est en crue : pour le Verneau c’est foutu ! Bon, eh bien… Plan B ! On retourne sur le plateau de l’Alpette pour bivouaquer à la grotte Ignorée (réseau de l’Alpe) la nuit du réveillon et faire le Grand Glacier le premier de l’an.

30 décembre 2021 : je suis debout depuis 2 h 30 du matin… À 6 h 30, fin prêt et motivé, je pars au local où j’arrive en avance et finalise l’agencement intérieur de mon tout nouveau sac à dos 80 L. Théo et Honorin me rejoignent véhiculés par Éliane, ils seront suivis de près par Aldric et Maud. On fait le point sur nos affaires neige - spéléo - glace et nous nous répartissons les charges de vivres et de matériel. Benoît (merci mec !) nous a prêté son Duster, nous y installons le coffre de toit des Prévot (450 L de volume supplémentaire), ce qui nous permettra de ne prendre qu’une voiture.

Il est 9 h quand nous partons en direction du massif de la Chartreuse ; le temps est nuageux, mais la météo ne nous prévoit pas de pluie et ensuite deux jours de beaux temps, c’est chouette ! La route nous prend 5 heures, même à notre arrivée à la Chapareillan elle est totalement déneigée et nous pouvons nous garer au parking du haut. Le chemin qui monte est, lui, enneigé et va nous permettre de chausser nos raquettes directement ce qui évitera de les porter. Une fois tous équipés (ce qui prendra un certain temps), nous entamons la montée vers le col de l’Alpette, ce n’est que 500 m de dénivelé, mais certains découvriront qu’en Chartreuse les montées sont raides et qu’un sac à dos confortable est plutôt sympa pour les épaules (je dis ça car moi aussi j’ai appris par l’échec… je ne monterai plus là-haut ni au J.-B. avec un sherpa blindé… c’est une torture !).

Nous arrivons au col pile poil pour contempler un superbe coucher de soleil au-dessus d’une mer de nuage. Maud et moi arrivons les premiers au chalet de l’Alpette et allumons (non sans mal) le poêle qui chauffe la pièce pour l’arrivée du reste de la troupe. Nous installons nos couchages au niveau supérieur du chalet puis trinquons en grignotant cacahuètes et saucisson, suivis de purée lyophilisée, le demi-litre de whisky tourbé finira dans le gosier d’un certain rongeur et d’un certain félin et nous irons ensuite tous nous coucher.

31 décembre 2021 : comme nous ne sommes pas pressés, nous nous laissons dormir jusque 9 h. Je descends en premier et dis à toute la troupe « on a gros soleil ! » En effet, dehors c’est un beau ciel bleu et les falaises ensoleillées du mont Granier nous tendent les bras ! Nous faisons fondre de la neige pour remplir nos gourdes et nous faire du café puis nous nous préparons tranquillement. Vers 10 h 30 nous chaussons nos raquettes et commençons notre randonnée du jour en direction de l’entrée de la grotte ignorée. Nous ferons quelques détours touristiques vers le Granier, et après quelques séances photos et pauses luge (en utilisant un kit) bien amusantes nous arrivons à proximité de la source Vieille. Nous ne sommes plus loin de notre destination, il est 15 h. Nous sortons un réchaud pour nous réapprovisionner en eau car il a fait un soleil de plomb durant tout notre parcours et nous avons bu toute notre eau. Maud et Honorin s’occupent de l’atelier « hydratation » alors que Théo, Aldric et moi allons faire la trace vers l’entrée de la grotte. Nous montons dans la pente et trouvons l’entrée du premier coup. Théo installe une corde dans cette dernière et taille quelques marches avec la pelle à neige puis, ceci fait, nous entamons tous la montée avec les affaires. On fait un tri en haut du R7 et nous remplissons un kit de neige pour avoir suffisamment d’eau jusqu’au lendemain. Le temps que Théo et Aldric passent tour à tour nos sacs dans le R7 je vais équiper le P10 avec Maud et Honorin. Quand j’arrive en bas du puits, je constate quelque chose qui n’était pas prévu… Il pleut… Pour moi la grotte Ignorée était toujours sèche… En même temps, je n’y suis allé que deux fois avant… Une fois en plein été sous canicule et une autre fois au réveillon dernier où nous avions des températures négatives… Je saurai donc que quand le plateau est enneigé et qu’il fait 15°C dehors et bien la fonte transforme cette cavité en spa. Je pars rapidement jeter un œil à notre lieu de bivouac : bon ça goutte moins qu’ailleurs, mais ça goutte quand même, il va falloir bidouiller un peu pour dormir sereinement. En tout cas le kit de neige ne servira à rien, de l’eau liquide nous en avons ! Je rejoins la base du P10 et gueule « Alors j’ai une bonne nouvelle : il fait au-dessus de zéro dans la salle, et une mauvaise : il pleut ! » Cela n’entache point le moral des troupes que j’entends rigoler en haut du puits.

Une fois tout le monde en bas nous rejoignons le bivouac et commençons notre bricolage : j’ai dans mon bidon du fil d’Ariane et nous avons assez de bâches et de couvertures de survie pour nous bricoler une moitié de toit qui devrait faire l’affaire pour la nuit. Ceci fait nous commençons notre petite organisation du repas du réveillon, c’est que nous avons des bonnes choses ! Aldric s’est fait chier à nous trimballer jusqu’ici deux bouteilles de champagne (on avait tellement peur qu’elles cassent juste avant d’arriver !), nous n’avons pas un, mais trois foies gras ET (!) l’un d’eux nous a été concocté par la mère de Théo (pour l’avoir goûté l’année dernière je peux vous dire qu’il déboise à l’hectare !).

Nous avons même des flûtes pour le champagne (en plastique, certes, mais des flûtes sous terre c’est quand même un truc ! Et ce sont celles des 60 ans de l’Usan, svp !), ainsi que des bougies chauffe-plat pour l’ambiance ! Il ne manque plus que les cacahuètes que je sors fièrement de mon sac.

Les bouteilles sont placées dans notre saut à champagne (le kit plein de neige) et c’est donc bien frais que nous dégustons ce nectar souterrain. De mémoire de planète terre c’est sûrement la première fois que la grotte Ignorée voit des flûtes de champagne ! Le foie gras est délicieux, nous nous en gavons à ne plus pouvoir rien avaler, il en restera même pour le lendemain ! La soirée va bon train, fidèle à son habitude Maud alterne crises de rires contagieuses et crises de « râleries » (elle n’aime pas la baisse de mobilité associée à la chasuble de survie), Aldric prend des photos de sa montre qu’il n’a, par miracle, pas rayée, on refait le monde, on parle matos, bref on se marre bien. On aurait pu essayer de tenir jusqu’à minuit, mais au final à 23 h 40 nous sommes tous au chaud dans nos duvets, on se souhaitera bonne année demain. Allez, au revoir 2021 (et merci pour le J.-B., Vauvougier et tous les autres bons moments !) !

1er janvier 2022. Je me lève en premier et lance un « bonne année » aux autres qui me le renvoient en écho, j’allume ma lampe et la première chose que je vois c’est une des chaussures d’Honorin : elle déborde d’eau car elle a été judicieusement placée « juste » là où de grosses gouttes tombent à intervalles réguliers… Je la retourne et c’est bien un demi-litre d’eau qui s’en échappe… Bon, eh bien ça aussi on va devoir le bricoler ! Mon duvet aussi est trempé à l’extérieur au niveau des pieds, nous avions oublié quelques fuites de plafond apparemment… En tout cas je suis content qu’il soit resté bien sec à l’intérieur… C’était un bon investissement, ce duvet !

Je m’extirpe de la chaleur en premier et vais préparer un EXCELLENT café soluble ainsi qu’une cruche de jus d’oranges pressées pour la compagnie (deux comprimés de vitamines effervescents dans un litre d’eau et hop ! C’est magique ! Essayez !). Nous petit-déjeunons et une fois rassasiés nous nous occupons des chaussures d’Honorin : je lui donne une deuxième paire de chaussettes chaudes, lui emballe les pieds dans des cani-sacs et des sacs poubelles orthopédiques et je ficelle le tout avec du fil d’Ariane. Ça n’a pas de gueule, mais ça marche et donc ce n’est pas stupide ! Ceci fait nous allons faire une session photo dans la salle et son superbe miroir de faille. Je fais ça toujours avec ma technique L et Théo teste en grand volume la nouvelle caméra 360° de la Ligue. Résultat : il faudra prévoir pas mal d’éclairage, mais il y a du potentiel ! Tout ceci nous occupe une bonne heure. Nos images prises, nous entamons la remontée qui prendra un temps certain en réorganisation des différents sacs.

Dehors c’est un beau soleil qui nous accueille, nous rangeons nos baudriers, chaussons nos raquettes et je me lance en premier dans la descente suivi d’Honorin. Sur le départ la pente est raide, je descends donc en latéral en formant des marches que je teste avec ma raquette droite, etc.

Mais… Même en ayant testé cette zone à la montée, ce qui devait arriver arriva… Une fois tout mon poids sur la raquette droite je lève le pied gauche et patatras : mon pied droit s’enfonce dans un trou caché par le pont de neige et s’y coince, mon gros sac me fait vriller et chuter en arrière et je sens ma rotule droite qui sort de son logement pour aller se décaler sur la droite de mon genou. Mon sac et la pente m’empêchent de débloquer ça … La douleur me fait serrer les dents. J’appelle à l’aide et Maud me rejoint et commence à creuser pour dégager mon pied pendant que je décroche le sac de mon dos, il se passe bien 2 minutes avec la rotule ainsi, je suis sonné et pourtant je ne suis pas douillet. Quand j’arrive enfin à sortir mon pied du trou et remettre tout ça droit je sens un gros claquement… Vache… Je sais, pour m’être déjà fait ça il y a des années de cela, que je viens de me luxer la rotule… Je prends 50 mg de Tramadol, descends la pente sur les fesses et décide d’attendre une demi-heure voir ce que ça donne une fois shooté. Pendant ce temps le reste de la troupe redescends les sacs et Honorin veille sur moi. La demi-heure passe, puis une heure : il faut commencer à se décider. J’essaye quelques pas avec raquettes : sur du plat c’est douloureux, mais ça semble aller, en descente ce n’est par contre pas possible car les tendons ne suivent pas… PxxxxN ça fait CxxxR ! Je tâte mon genou droit et l’œdème post-luxation est en train de gonfler sérieusement, je sais que si je force ça va faire de la merde comme la dernière fois où remarcher sur du plat m’a pris bien deux mois… Bon il faut savoir accepter : redescendre par moi-même c’est mort… On appelle donc les secours… Décidément… Il y a pile un an, et, sur le même plateau c’était Pascal qui se faisait une double fracture du péroné et maintenant c’est moi… « On est des maudits de l’Alpette » me lance Théo.

Après quelques échanges avec les secours, l’hélicoptère ne tarde pas à arriver, ça nous laissera juste le temps de nous organiser : on se donne RV demain à l’hôpital pour me rechercher (je pensais encore qu’il y aurait une place pour moi la nuit à l’hôpital…). Je prends mon sac à dos avec moi car les autres sont chargés au taquet aussi, je salue les amis et rentre dans l’hélicoptère qui s’élève au-dessus de mes amis que je quitte avec regret… Et ce n’est pas la belle vue sur le Granier qui me console !

Je suis tout de même chanceux, car les urgences sont moins blindées que ce à quoi je m’attendais. Au total, 5 h suffisent pour me diagnostiquer et me dire qu’il faudra que j’aille faire une IRM à mon retour à Nancy et demander l’avis d’un chirurgien. Il est environ 20 h 30 quand je me retrouve devant l’hôpital un pied en vrac avec des béquilles et un sac de plus de 25 kg… OK… Bon que faire ? Heureusement, de vieux amis habitants Grenoble auront la gentillesse de venir me chercher et m’accueillir cher eux (comme quoi même après des années sans les voir je peux encore compter sur eux, et ça fait chaud au cœur ! Merci les amis !) jusqu’au lendemain où le reste de la troupe (qui a passé une bonne soirée arrosée et musicale au refuge) viendra me rechercher pour le retour à Nancy où nous arriverons vers les 20 h.

J’écris ce compte rendu à J+11 après la blessure. Je peux remarcher sur terrain plat sans béquille ni attelle. D’après le chirurgien la rémission ne se passe pas trop mal, croisons les doigts et faisons bien notre kiné pour que ça continue ainsi et que je puisse le plus rapidement possible retourner en spéléo. Au final, j’ai eu beaucoup de chance dans mon malheur, les ligaments n’ont pas été déchirés, ça ne m’est pas arrivée à la montée (j’aurai été 10 fois plus vert !), il n’y avait pas de brouillard ni de chute de neige ce qui a permis à l’hélicoptère de venir (vous noterez que ce dernier ne s’est pas crashé !), et tout s’est bien ficelé aux urgences et après. À tous : soyez vigilants en traversant des zones de lapiaz et de falaises enneigées, elles peuvent réserver de mauvaises surprises ! N’hésitez pas à faire glisser vos sacs à côté de vous dans les pentes trop raides et à les descendre sur les fesses dans les zones les plus risquées. Cela vous évitera peut-être ce genre de désagrément, en tout cas je vous le souhaite !

À très vite sous terre ! Le Rat en mode reconstruction.

Photos et vidéos sur :

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