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286.1 - Explorations à Vauvougier – Acte 4 : « L’étroiture des Cracs Badaboums »

Olivier Gradot

samedi 4 juin 2022, par Bertrand Maujean

Début mars 2022, mon genou gauche ayant été testé en randonnée souterraine puis gentiment à Audun-le-Tiche et enfin dans les gouffres de Savonnières-en-Perthois, il est temps de le tester dans quelque chose de plus sérieux. Alors, quand Théo propose d’aller continuer les escalades de l’amont du réseau AGA à Vauvougier (VVG pour les intimes), je réponds présent. Par malchance la date proposée ne colle pas avec les dispos du Doctor Jones (aka Arnaud pour les intimes), Théo me demande si je suis toujours chaud pour qu’on y aille à deux en me disant qu’il faudra compter 6 kits à trimballer… Il me dit qu’aller faire une escalade à la Malatière est peut-être plus raisonnable. Mouais… C’est certainement plus raisonnable, c’est sûr, mais ça me vend moins de rêve que VVG… Au final on trouve un terrain d’entente : on a de la topographie à faire et aussi pas mal de menus aménagements pour faciliter les prochaines sessions avec, entre autres, faire péter un passage chiant au niveau des ressauts menant au réseau AGA.

Le rendez-vous est donc donné chez lui le vendredi 11 mars en début d’après-midi. J’arrive avec ma capsule Soyouz vers 14 h et suis accueilli avec un café que je bois le temps que Théo finalise de préparer le carnet topo. Nous chargeons le matos et partons sous le soleil vers Malbrans où nous arrivons vers 19 h à la suite de quelques bouchons à Besançon. Le temps étant sec, on se permet le luxe de se garer à l’orée du bois. On prépare nos kits, on prend de quoi manger et boire pour deux nuits sous terre et c’est parti. Le Lynx est gentil avec moi et laisse mon genou s’essayer au cabinet de kinésithérapie avec un seul kit, lui en trimbalera 3 sur le début le temps de se délester au fur et à mesure de l’équipement.

On se lance dans le P40 et ses vires, ça nous prendra une heure puis on enquille sur le reste. On posera de l’équipement en fixe avec de la grosse Spélénium jaune depuis le ressaut avant « l’ex-étroiture » et jusqu’à la base du puits du Guano. On arrive au bivouac pour minuit, on en rééquipe l’accès et c’est avec plaisir que nous retrouvons notre abri anti-nucléaire souterrain ! Pour améliorer notre confort de sommeil nous avons apporté nos hamacs et commençons par les amarrer aux parois puis, ceci fait, nous allons nous mettre bien à la chaleur des bougies dans la tente. On se sert deux verres de whisky « d’étudiants en manque d’argent » et on sort de quoi prendre l’apéro dinatoire. C’est qu’on commence à être luxe nous ! Nous avons au menu : cacahuètes salées, chocolat aux noisettes, saucisson « pas JB » (comprenez que Théo aura coupé des tranches fines et ne l’aura pas simplement coupé en deux comme ça a été le cas lors de nos pauses au JB en hiver 2021), et cubes d’emmental : que demande le peuple ? On sort nos Smartphones, mais comme nous n’avons pas encore installé le relais 4G et que nous n’avons pas de musique « hors connexion » sur ces derniers nous nous ambiançons avec une des musiques de sonneries du phone du Lynx. Deux heures passent et après avoir tenté de goûter à « l’Excellent Rhum Captain Morgan » que j’avais ramené (je pense que boire du parfum ou du gel hydroalcoolique est largement plus agréable) nous décidons illico d’abréger nos souffrances et après avoir sorti nos duvets (qui sont restés bien secs grâce aux bites à carbures et aux sacs poubelles dans lesquels nous les avions stockés lors de notre dernière nuit ici) nous nous couchons dans nos hamacs. Comment c’est génial de se laisser bercer ainsi au chaud à 200 m sous terre ! On s’endort comme des loirs en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Nuit ».

Après un certain temps, j’ouvre les yeux et lance un « La Beyyyte !!! », Théo me répond direct « La Beyyyte !!! », signe que lui aussi a bien dormi et qu’il est grand temps de nous activer ! Je crains que nous ayons dormi trop longtemps par rapport à notre programme, mais tout va bien ! Il n’est que 8 h, la nuit de 6 h aura fait l’effet d’une nuit de 12 h, ça aussi c’est la magie des bivouacs ! Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule nous avons de quoi nous offrir un petit-déjeuner digne d’un hôtel « 5 fistuleuses » : café soluble de luxe, chauffage au sol, et tartine de confiture « au choix » entre pêche, orange ou abricot (reste plus qu’à ramener la Senseo). Comme la seule chose qu’il nous reste pour l’apéro est l’infâme breuvage qui servira un jour comme carburant pour une fondue, nous décidons de ranger le bivouac avant de le quitter. Mieux vaut s’offrir une bière quitte à ressortir aux aurores le jour suivant que de boire une autre gorgée de ce machin. On fait l’inventaire des vivres, bougies, etc. qui restent ici. On remet les duvets dans leur sac de dessiccation. Théo va chier et reviendra en disant « on a réussi à installer les chiottes dans le seul endroit où il y a du courant d’air… ». On remet nos combis et partons au travail.

Comme nous ne sommes pas d’accord avec la lecture de la topo nous partons sur 3 endroits à visiter et topographier. On commencera par la zone en bas des ressauts menant à l’AGA. Le bilan sera vite vu pour cette zone : ça queute rapidement. On va donc aller s’intéresser au méandre pas bien large qui part sous la passe chiatique à mi-hauteur dans la série de ressauts (tu vois duquel je parle Thomas ? Là où tu as bien serré les fesses quand tu as vu les clés de ton camion tomber à 5 cm d’une fissure où clairement tu ne les aurais jamais récupérées .

L’idée de base de Théo était de bombarder le passage chiatique à coup de paille mais au final (et on a très bien fait de garder les batteries et pailles pour plus tard vous le lirez bientôt !) il est d’accord avec ma proposition d’installer un bout de nouille pour le shunter par le haut. Ceci fait il nous bidouille une déviation magique à base de poulie-bloqueur et on descend dans le bas du méandre, on vire nos baudriers, on prend de quoi faire de la topo… Euh nan… Allons déjà voir la gueule que ça a, car ça n’a pas l’air très large là-dedans. Théo s’enquille, je le suis, on fait quelques mètres puis il me dit « mec, là c’est impénétrable » et quand Théo dit que c’est impénétrable il ne faut pas chercher : « ça l’est ». Bon en regardant à nouveau la topo on se met d’accord : la zone indiquée est forcément celle en haut et à gauche du « toboggan », nous y arrivons rapidement et Théo découvre avec intérêt la mini-chute d’eau que j’avais localisée la fois où il était en train d’escalader pendant qu’Arnaud l’assurait. Chose cool : cette dernière coule quand même malgré une longue période sans pluie en surface, nous avons donc un approvisionnement d’eau quasi garanti pour notre bivouac, et à VVG l’eau vaut de l’or (et surtout on peut charger plus de matos utile dans les kits !). Théo escalade le méandre pour aller voir d’où vient l’eau, c’est trop étroit même pour lui, MAIS par contre un boyau qui part sur la droite donne du rêve : il est certes trop étroit pour passer en l’état mais on voit que derrière ça s’agrandit et que le son résonne sacrément là derrière ! Ça sent bon tout ça ! On décide de faire une petite pause déjeuner le temps d’organiser le chantier. On se restaure rapidement à coup de saucisson (façon JB pour le coup), de pain et de fromage et on attaque la désobstruction en commençant au marteau et au burin… Ce n’est pas très efficace et quand j’essaye je dis au Lynx de sortir son artillerie lourde. Au départ il n’était pas très confiant, car on pensait être principalement dans de l’agglomérat de petits blocs, calcite et glaise, mais au final en fouillant un peu il y a du gros bloc à faire péter. Théo sort le foret de compétition et après une dizaine de minutes nous ressortons au début du méandre avec la ligne de tirs, on croise les doigts et après un compte à rebours récité en commun « VVG 12 mars 2022, première paille de l’ouverture de l’étroiture des Cracs Badaboums : 3, 2, 1 et Boum ! »

Bon avant de continuer il faut quand même que je vous raconte l’origine du nom « Cracs Badaboums ». Il y a quelques jours de cela, sur le groupe Messenger où Théo, Arnaud et moi discutons, le Lynx n’arrêtait pas de nous envoyer des photos de ses mille et un bricolages du moment, entre un descendeur Aigle bidouillé pour l’utiliser avec de la 6 mm, voire de la 5, et d’autres inventions, j’ai décidé ce jour-là de le surnommer « Théo Trouvetout » en référence à Géo Trouvetout de la bande à Picsou. Du coup nous avons déliré sur quels seraient les persos d’Arnaud et moi dans la bande à Picsou. Le temps que je cherche (la seule chose que j’avais trouvé rapidement c’est que je n’étais clairement pas Gontran Bonheur ! Et que même s’il y avait Jones dans le nom, Arnaud ne pouvait clairement pas être Flagada Jones ! Il est trop bon pilote pour ça, ah, ah, ah) Théo qui était sur la page Wikipédia tombe sur l’existence des « Cracs Badaboums » des créatures souterraines qui font leur apparition dans 2 ou 3 épisodes des aventures de Picsou. Il n’en faudra pas plus pour qu’on trouve tous que « La Galerie des Cracs Badaboums » soit un nom excellent ! Et donc vous voici tous renseignés sur le pourquoi du comment !

Reprenons à présent notre récit, la première paille a fait boum, c’est déjà ça, et nous avons entendu des blocs tomber, je vais jeter un œil et en effet elle n’était pas des plus mauvaises ! Cependant le passage et loin d’être ouvert ! Je gratte cinq minutes, mais faire de l’opposition sur mon genou n’est pas l’idée la plus géniale et je laisserai donc au Lynx le plaisir de se démonter les avant-bras à coups de burins et servirai de « monsieur passe-moi ci et passe-moi ça ». On alterne donc coups de burin et pailles et ressortons à chaque fois au début du méandre avant de les faire péter après nous être enfoncés du papier cul baveux dans les oreilles. Nous avions avec nous trois batteries pleines : la première a servi à percer pour les différents goujons que nous avons utilisés pour équiper et fixer nos hamacs et la deuxième percera 4 trous de pailles (c’est beaucoup plus long qu’un trou pour goujon et donc largement plus énergivore) dont un percera au travers de la roche le rendant inexploitable. Au moment de passer sur la troisième batterie c’est « panne de papier cul ». Heureusement on en a au bivouac ! Théo va y faire un aller-retour en vitesse le temps que je déblaie les blocs « post paille n°3 » puis nous reprenons le chantier en croisant les doigts pour avoir de quoi passer l’étroiture aujourd’hui… Ce n’est pas les pailles qui manquent, ni le papier cul, mais nous n’avons plus qu’une batterie…

Il faut du coup choisir entre des forages plus nombreux, mais moins profonds et donc moins efficaces, ou des plus longs qui seront moins nombreux, mais qui, s’ils sont judicieusement placés, éclateront plus la roche. Le choix des forages longs sera le bon ! Moyennant de nombreux coups de burins entre chacune des trois pailles qui seront utilisées avant la fin de la troisième batterie, la dernière paille ouvrira l’étroiture des « Cracs Badaboums ». Il faudra certes refaire péter deux blocs lors de notre prochaine venue pour que ça soit plus confort, mais en l’état ça devrait passer sans baudrier. Honneur aux jeunes, Théo rentre en premier et crie vite plein de joie « mec il y a des belles escalades à faire ! » Je vire mon baudrier et me lance à mon tour dans ladite étroiture que, par miracle, je passe sans trop en chier, je retrouve le Lynx couvert de bouillasse de l’autre côté et là ce sont de belles surprises ! J’arrive dans une petite salle arrosée en bas d’un puits que nous évaluons facile à 20 mètres de haut et dont la fin n’est pas clairement visible de là où nous regardons. Sur le côté de la salle se trouve une belle vasque joliment concrétionnée remplie d’eau, un peu plus loin nous arrivons sur de très jolies coulées dont certaines toutes blanches dans lesquelles il y a même des fistuleuses ! Eh bien ! Ce n’est pas chose courante à VVG tout ceci ! Dans le fond de cette deuxième petite salle, la faille que nous souhaitons prochainement escalader continue, mais c’est étroit car les coulées de calcite l’ont bien rebouchée à ce niveau. Théo ira y faire quelques mètres de première étroite et filmera un très beau phénomène de décalage au niveau d’une colonne de calcite qui a été rompue par un mouvement de la faille puis a continué sa croissance dans un axe différent que celui de sa formation. Nous filmons tout cela et sommes bien contents des surprises du jour ! Il n’y a plus qu’à ! Ah, et une chose étrange que j’oubliai de noter : Théo a vu un moustique dans la salle… Un moustique à ‑200 m ça peut sembler étrange… Soit on l’a ramené avec nous dans nos kits, soit… mystère…

Nous ressortons par l’étroiture. Sur le retour mon sternum décide de coincer, je devrai donc batailler 5 minutes pour sortir. Nous remballons notre chantier et repartons de ce dernier pour environ 18 h. On fera une pause « foie gras » (comprendre mousse de foie de canard) mangé avec les doigts crades et café soluble au niveau du bivouac et on prendra quand même quelques photos avec contre-jours sur le retour pour dire que.

Il est 23 h passées de peu quand nous arrivons à la surface, il fait beau et pas spécialement froid ET de bonnes bières fraiches nous attendent dans la roulotte, impec ! Pour une session de reprise du genou c’était une belle reprise ! Merci Vauvougier ! On a hâte de revenir en découvrir plus ! À très vite !

Toutes les photos et vidéos sur :

https://www.flickr.com/photos/olivier_gradot/albums/72177720297443185


Voir en ligne : La suite : acte 5

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